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1821 - 1830
1824
François Philoclès est reparti avec sa famille à Paris où des amis lui avait fait miroiter une carrière prometteuse et bien d ‘autres choses. Sa femme est repartie passer quelques jours à Verdun sur le Doubs . La lettre qui suit est écrite par Anne Chapuis à son mari François Philoclès Jeandet. J’ai du mal à la transcrire. Faut-il laisser toutes les fautes ? faut il retranscrire littéralement ? A cette époque les trajets se faisaient en voiture à cheval soit 24 heures pour aller d’Auxerre à Dijon, 6 heures pour faire Dijon Beaune ! la ligne de chemin de fer Paris-Dijon ouvrira pendant l’hiver 1851-52, après avoir été inaugurée le 1° juin 1851 par le prince président.
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Verdun le 4 octobre 1824
Mon cher ami, je suis partie d’ ausert (d’Auxerre) jeudi à minuit, je suis été moins incommodée que la première journée. J’étais dans le coupé de la voiture qui est la meilleure place, elle m’a coûtée 4f40 de plus mais je fut obligée de la prendre toute les places de l’intérieur était retenue par les voyageurs de Paris . Je suis arrivée à Dijon à minuit bien fatiguée et Abel aussi nous primes un ???? et nous fument nous coucher à six heure du matin nous partîmes pour Beaune dans une voiture pas suspendue, je n’étais pas à mon aise, mais le trajet n’était pas long, j’ai pris patience et je suis arrivée sans aucun accident à midi. on déchargeait nos effets, comme ton frère est arrivé avec son fils, sa vue m’a fait une impression bien douce, il me donne des nouvelles de toute la famille en me disant qu’elle était dans une inquiétude mortelle et qu’on ne serait tranquille que quand je serais arrivée . Nous quittons Beaune , nous arrivons à huit heure au port ou toute la famille attendait avec impatience , tous nos chers parents ont été si contents de me voir arriver sans accident qu’ils ont tous pleuré de joie. Je t’avoue mon cher ami que cela m’a fait plaisir de voir l’empressement de nos deux familles. je croyais éprouver plus d’émotion mais mon imagination n’était pas, la tête été auprès de toi. Si tu savais mon bon ami combien j’ai d’inquiétude quand je pense que tu recevras ma lettre que jeudi; Il m’a été impossible de t’écrire depuis Beaune la poste était partie. Ton frère se donne beaucoup de peine pour faire nos rentrées (? ) il a déjà reçu cinquante francs, Mr Long ne l’a pas payé il lui a fait un troisième billet dans lequel il n’est pas question de nous. C’est un billet à ordres , je lui ai dit de le faire de le faire protester dans la cas qu’il ne paye pas ; il va aller à Chalon sous peu de jour avec ton père ils iront chez Mr Cissy.
la????? a toujours son ????? cela donne beaucoup d’inquiétudes à ton frère elle ne veut plus prendre de ????? indique quelques autres moyens, je t’assure qu’elle est bien maigre.
Adieu mon cher ami, ait soin de toi je t’en prie sort souvent voir Mr Remusat , Mr Ayot (?) le plus souvent que tu pourras dit leur bien des choses de ma part. Parle de tes affaires , prends de las hardiesse, si tu m’écrivais quelque chose de satisfaisant combien je serais contente .
une autre fois je t’en «écrirai davantage , je vais m’habiller pour aller rendre quelques visites . Mme Galland compte sur ma visite elle se trompe mais elle a dit que si je n’allais pas la voir qu’elle viendrait me voir.
Adieu encore une fois toute la famille t’embrasse moi en particulier je t’embrasse mille fois en imagination. Notre cher enfant s’occupe beaucoup il parle de toi souvent. Embrasse mon frère et sa femme pour moi, j’embrasse Tixier et l’engage d’être toujours raisonnable d’avoir des attentions pour son ???? de le distraire de lui parler de ne pas rester toute une journée sans lui, parler.
ton amie Anne Jeandet
J’embrasse mon papa de tout mon coeur et Tixier
Abel jeandet
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Verdun le 14 octobre 1824
Mon cher ami,
J’ai reçu ta lettre hier, je l’attendais avec impatience pour savoir de tes nouvelles. J’étais inquiète , je craignais que tu ne fus malade, cette idée ne ma quittait pas. Tu me dis qu’à mon arrivée, tu crois n’avoir peu d’occupation, cela me fait le plus grand plaisir , je jouirai de ta présence tout à mon aise il y a si longtemps que j’en suis privée ; je va bien me dédommagé , je ne te quitterai plus. Il me semble qu’il y a un siècle que je t’ai quitté, il est temps que je te rejoigne. Je n’ai ni sommeil ni appétit , depuis que je suis à Verdun je ne mange pas aussi tu me trouveras telle que je t’ai quitté ni plus grosse ni plus maigre; J’ai une grâce à te demander, tu me parles d’une prochaine débâcle, je pense que c’est de la notre , tu as l’esprit inventif pour te tourmenter, toi et les personnes qui te sont chères, je te prie donc de me laisser jouir pendant huit à dix jours du bonheur d’être réunie à toi, après ce laps de temps nous parlerons affaires et si ton mauvais génie te porte à croire que nous ne pouvons pas rester à Paris, nous reviendrons à Verdun au milieu d’une famille chérie , et de bien d’autres personnes qui désirent ton retour. Nous avons été très contents de ton article , il est parfaitement écrit, il serait bien dommage que tu n’en donnes pa deux par mois, ton père en est si satisfait qu’il va le faire recopier pour avoir la copie. Quand à M. Remusat, tu me juges bien mal, tu connais ma façon de penser à son égard, je n’ai jamais compté sur lui, et n’y compterai jamais , mais n’importe nous sommes bien reçu chez lui, sa maison nous procure l’avantage de voir du monde, on peut faire des connaissances utiles tel que Mr de lahaye, pour achever la peinture nous nous amusons chez lui surtout moi, cela doit nous suffire dans la circonstance où nous nous trouvons, d’ailleurs cela nous donne du relief. Nous partons mardi prochain à cinq heure du matin par le bateau, Tixier est allé à Chalon comme je te l’ai dit dans ma dernière , nous devons quitter Chalon à une heure après midi, et aller coucher à La Rochepot, si cela est nous arriverons à Auxerre jeudi, mais je ne vais pas te fixer le jour de notre arrivée, ni la rue où nous débarquerons. Ainsi n’ait point d’inquiétude, je saurai bien me faire conduire chez nous. A daté de samedi tu laisseras la clé chez la portière, je crois être rendue samedi ou dimanche . Je suis obligée de finir les demoiselles Dufour viennent de venir me voir , il est sept heure du soir, il faut que je porte ma lettre à la poste . Nos cousines sont venues pour la noce de la cousine Bernard qui se marie avec legs elle se marie le jour de mon départ.
Adieu mon cher ami, toute la famille se porte bien, tes deux fils jouissent d’une bonne santé. Adieu encore une fois je t’embrasse de tout mon coeur en attendant que je le fasse en réalité, ton amie
Annette Jeandet
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1825
Il y a eu mercredi dernier (20 avril 1825) un an que je vous ai quitté. Ce jour a été, par notre séparation, l’un des plus pénibles que j’ai passés et le commencement d’une époque la plus funeste peut être de ma vie. Séduit par les fallacieuses promesses de l’un de ces amis toujours occupés de leur propres intérêts, jamais de ceux des autres; ne connaissant Paris que pour y avoir passé comme élève et par conséquent sans aucun des innombrables et dispendieux embarras d’une maison, quelques années pendant lesquelles le plus petit cabinet suffisait à mon logement, du pain à ma nourriture , des habits des habits quelqu’ils fussent à mon vêtement, je suis venu imprudemment ( avec quelques louis) m’enfouir dans ce gouffre qui ne dévore que le superflu du ???? mais qui réduirait aux besoins les honnêtes fortunes de notre pays. J’ignorais qu’après plus d’un an , les personnes qui m’avaient tant promis , n’auraient encore rien fait; qu’au lieu d’un loyer de trois ou quatre cents francs, j’en serai pour huit cents; que je serai imposé pour deux cents francs; qu’il m’en faudrait douze ou quinze cents pour être meublé moins bien que le plus mince artisan, cinq ou six cents pour être habillé d’une manière conforme à mon état, cinquante écus au moins par mois pour ne vivre que de privations; que je ne pourrai pas chauffer à moins de six cents francs . Je ne savais pas qu’il y avait une foule d’autres dépenses , inconnues chez nous toujours très onéreuse pour les petites bourses et dont on ne peut pas plus s’exempter que de celles qu’exigent les objets de première nécessité . Je prévoyais encore bien moins qu’on restât dix ans dans une maison sans être seulement connus de ceux qui habitent avec vous et à plus forte raison des voisins de la même rue; que des personnes qui semblaient tout à fait dévouées à mes intérêts ne me procureraient pas un seul pratique; qu’il m’arriverait ainsi de rester quelques fois plus d’un mois sans avoir rien à faire; que les rapports qui s’étaient établis dans les premiers temps de mon séjour ici, entre moi et le médecin consultant du roi dont je vous ai parlé n’auraient qu’un existence éphémère et que le médecin ayant à cause de sa cécité perdu complètement sa clientèle et étant peut être aussi peu avancé que moi, je serais encore dupe des services que je lui avais rendus en voyant ses malades; Je ne savais rien du tout et je le ???? au plus avisé de l’avoir pu deviner. J’avais des expériences qui en valaient bien d’autres, et que mon désir insensé d’être à Paris à la vérité, ne contribua pas peu à affermir. Il y'a longtemps que la vérité est tout à fait tombée. J’ai presque désespérer de moi dès la première quinzaine de mon arrivée ici; dès que j’eus entendu les paroles et remarqué l’inaction; dès que j’eus calculé la dépense et mesuré les ressources ; et si j’eusse suivi la première impulsion de ma pensée, ou mieux, que ma femme est voulu s’y rendre, j’aurai dès cet instant même, abandonné Paris, mais la fatalité qui avait préparé et présidé à mon départ, m’y a retenu. J’entrevois de jour en jour toute l’horreur de ma position. Comment être tranquille sur son avenir quand on peut calculer avec précision que dans cinq ou six mois on sera réduit au dénuement le plus absolu, sans savoir ou poser le pied, ou trouver un lieu assez obscur pour cacher la misère et l’espèce de honte que j’aurais encouru par mon imprudente tentative. Dix ans de perdus en quelques jours ne se réparent pas aisément, et à trente huit on est trop vieux pour commencer une nouvelle carrière et pour espérer que jamais on sortira de dessous le joug de fer de l’adversité.
Telle est, mes chers parents, la cause qui jointe aux autres tourments que j’éprouve sur le sort de ma famille et dont je vous parlais dans ma dernière lettre, me rend l’existence si triste et quelques fois insupportable. Je me juge avec une sévérité dont mes ennemis même ne seraient pas capables, et il faut tout l’ascendant d’une femme chérie, des enfants hélas ! pour lesquels ( et c’est là le plus cuisant de mes chagrins) je ne pourrai peut être jamais rien, pour m’empêcher de me livrer aux sombres écarts de mon imagination alarmée.
Aussi quelqu’ effort que fasse ma raison, je sens bien que mes facultés physiques et morales s ‘affaiblissent et que mon âme s’éteindrait enfin si quelque lueur d’espérance ne vient bientôt éclaircir l’horizon des jours qui me restent à parcourir.
D’après les détails, vous jugerez sagement comme moi que ce qu’il a de plus pressant à faire c’est de quitter Paris. Si je voulais, d’après le travail que nous a donné Mme Chapuis de concert je crois avec vous, y rester encore un an, il me faudrait rien moins que mille à douze cents francs et où trouverais-je cet argent ? Je ne me sens guère la force de le demander ici? personne de notre famille , je pense, n’est à même de me le prêter ? et quand elle le pourrait, ne serait-ce-pas aggraver ma position au lieu de l’améliorer ?
quoique le parti de quitter Paris auquel me contraindra nécessairement le manque d’argent, soit encore ajourné, j’ai fait dans ce dessein, il y a environ un mois et exigé par les insistances de ma femme un voyage , comme je vous l’ai déjà dit, dans une province voisine de la capitale . Adrien m’a fourni à cet égard tous les renseignements qui étaient à sa connaissance , et je suis convenu avec lui que je retournerai le voir dans deux ou trois mois pour aller ensemble dans une petite ville à quatre lieux de chez lui, endroit où il n’y a que deux médecins et où par conséquent je pourrai peut être me fixer avec avantage. Voila quel a été le but de ce voyage si amèrement désapprouvé par Mme Chapuis et qui nous ont valu de sa part deux lettres dont la sévérité se trouve du reste assez justifiée par le motif qui les lui a inspirées. Vous comprenez bien que si je retourne en cette ville, ce sera pour l’examiner , en reconnaître les environs et non pour y rester de suite, car j’ai encore bien des choses qui me retiennent ici au moins plus de six mois.
Tixier est toujours aussi tranquille et aussi laborieux qu’il était chez nous, je suis on ne peut plus content de lui.
comme nous profitons tous de l’occasion qui nous est offerte par Mr Cottin, pour vous écrire, je ne vous parlerai pas de plusieurs choses dont vous serez instruits par d’autres lettres.
Toutefois je ne finirai pas sans vous réitérez l’invitation que je vous ai déjà faite de venir nous voir. N’allez pas croire que ça ferait augmenter nos dépenses; nous avons de quoi vous loger et avec quelques pains de quatre livres de plus et quelques carafes d’eau tout ira le mieux du monde. Le sacre du roi doit avoir lieu à la fin du mois de mai . à la vérité cette cérémonie ne se fera pas à Paris, mais nous aurons aussi , nos illuminations, nos feux d’artifices, nos danses, nos distributions de volaille, de pain, de vin, en un mot toutes sortes de réjouissance . Il faut oser de l’occasion et choisir enfin le moment de venir. quelques jours passés avec vous me consoleraient de toute l’affliction ! et j’ai si besoin aujourd’hui d’un pareil remède !
Adieu mon cher père, adieu ma bonne mère, puissent vos jours être aussi heureux que longs. C’est encore, dans son malheur le voeu le plus ardent de votre tout dévoué fils.
Jeandet
Paris le 26 avril 1825
P.S. Si on a pu terminer les ???? de ce qui m’était du et que vous ayez quelque argent à m’envoyer, vous pourriez attendre le retour de Cottin et profiter de cette occasion.
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Verdun le 30 septembre 1825
Mon cher ami,
Il y a huit jours aujourd’hui que je t’ai écrit que j’avais beaucoup d’occupations, j’ai dit un mensonge car dans ce moment ci j’en ai beaucoup plus. Je fais une robe et un bonnet à Amédée. Il est si bon ce cher enfant , il ne crie jamais , il ne fait que rire; tu as bien eu raison de croire cher ami que je serai satisfaite de la manière dont tu as parlé de notre petit, malgré que tu montrais de l’indifférence pour cet enfant, cela ne m ‘a jamais donné d’inquiétude. ton coeur ?????? toi qui aime tant ta famille, comment se serait-il fait! que tu n’eusse pas aimé un de tes fils, tu n’es pas assez injuste pour cela. Je suis bien aise que tu désires voir ce pauvre petit. Je n’ai jamais vu d’enfant si gentil, avec cela il te ressemble, c’est ta figure tarit pour trait seulement il est blond il a mes yeux c’est tout ce qu’il a de moi.
Tu me pardonneras mon bon ami mon mensonge quand tu en sauras la cause je te le dis encore malgré moi mais je crains que tu ne l’apprennes par d’autres. J’étais malade vendredi dernier et même bien malade et dans le moment que je t’ai écrit j’ai pris mal le mercredi soir et je n’avais pas dormi la nuit du mardi, on avait vendangé ce jour là et j’avais attribué cela à la fatigue car je m’étais fatiguée un peu trop le mercredi matin je n’étais pas à mon aise de n’avoir pas reposé, je me lève tout le corps me fessait mal, après avoir marché un peu cela s’est dissipé, je suis allée au pressoir pour aider le vigneron a rangé le ???? tout cela je l’ai fait malgré maman elle ne le voulait pas, mais moi qui voyais qu’il n’y entendait rien, je suis été forcée de lui montrer la ?????? le pressoir ; la journée s’est très bien passée j’ai même bien soupé le soir, avant de me coucher j’ai pris tes lettres pour les lire. Je couche en ???? et seule je crois m’entretenir avec toi, cela me fait ????? ; après les avoir lues, j’éteins ma chandelle , je me ???? un grand mal de tête je m’endors cher ami en pensant à toi. c’était ce que je crois mais cela n’a pas duré plus d’une heure car je m’éveille et j’écoute dix heures j’avais une douleur épouvantable avec une grande fièvre. Je passe la nuit entière comme cela ne voulant pas éveiller ma bonne mère. Sur les six heures du matin je me trouve mieux je me lève à sept heures et me suis recouchée à dix avec la fièvre; je crois que mon papier va me manquer, je finirai là ma narration car tu sais que j’explique toutes les choses mot à mot? je te dires seulement que j’ai eu trois accès de fièvre assez violent et j’ai passé cinq nuits sans dormir, aussi je t’avais mandé que ??????? mais j’ai perdu dans ces six jours de maladie le peu d’embonpoint que j’avais, malgré cela tu me trouveras plus fraîche que quand je suis parti car fout le monde me le dit; soit sans inquiétude aujourd’hui je me porte bien, je suis entièrement rétablie ; sans mon indisposition ma dernière lettre t’aurait donné le signal de mon retour, mon intention, était de partir le 5 ou le 6 octobre , mon voyage est en retard, je suis obligée de travailler toute la semaine prochaine, maman a demandé ?????? qui doit ????????????,???pour m’aider parce qu’elle ne veut pas que je me fatigue ; j’ai r????? ta lettre de vendredi, comme je crois qu’elle sera ????????? ici qu’elle me fixe le jour de mon départ . Je te prie de le faire ta mère dit que ce ????? jour de plus ou de moins qui fait une affaire mais moi qui compte un peu je ne veux pas rester plus longtemps avec un calcul comme le notre nous irions à l’hôpital
Dis moi quelle voiture je doit prendre, je suis fâchée de partir seule mais Tixier ne part que le 3 ou le quatre novembre, je ne peut absolument pas rester plus longtemps, le temps me dure mon cher ami . Mr Remuzat fait tout son possible pour faire tes ???? tu as trop mauvaise opinion de toi. adieu je t’embrasse
Annette Jeandet
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Paris le 3 décembre 1825
Mes chers père et mère,
Je ne suis pas toujours assez malheureux pour que des occupations m’ôtent jusqu’au temps nécessaire pour écrire quelques mots, comme il m’est arrivé lors du départ de Dambrun ( ? ) et je suis aujourd’hui on ne peut plus satisfait de pouvoir user des loisirs qu’elles me laissent pour profiter de l’occasion qui m’est offerte par Mr Bergerot de vous envoyer enfin quelques lignes et de vous donner directement des marques non équivoques de mon souvenir et de mon inaltérable affection. Je ne puis songer sans une sorte de douleur, mes bons parents que notre correspondance autrefois si active , ait éprouvée tout à coup de si longues interruptions et le besoin que j’éprouve non moins impérieusement aujourd’hui que par le passé de vous exprimer ma tendresse trouve pourtant si rarement les moyens de se faire entendre. Cela tient à une cause qui agit et sur vous et sur moi. La tendresse que j’ai pour vous est partagée par tous ceux qui m’appartiennent dans une autre famille, et l’échange continuelle qui s’opère entre tous les membres, les communications fréquentes qui s’établissent entre eux, servent ainsi à tranquilliser tous les intérêts , à affermir et à donner une sécurité entière à tous les attentions sans que chacun y prennent une part exclusive mais par le concours simultané de tous . Ainsi notre correspondance pour n’être plus immédiate n’en est pas moins suivie, et si de mon côté je suis privé souvent du plaisir d’y contribuer, je profite du moins de tous les avantages qu’offre sa plus grande étendue et je reçois successivement de plusieurs maisons tout ce qui peut contribuer à calmer mes craintes sur votre santé et sur tout ce qui vous touche.
Je n’ai appris que par la lettre de mon frère que j’ai reçue la semaine dernière que Tixier avait été chargé par vous de prendre auprès de Mr Gauville quelques renseignements qui paraissent devoir vous être utiles. Craignant que cela n’eut été oublié, comme il m’a semblé que ça l’avait été, j’ai envoyé le lendemain dès le matin Tixier pour savoir à quoi s’en tenir et nous écrire incontinent sur cet article. Mr Gaudville a répondu qu’il venait de vous satisfaire à cet égard, mais comme il serait possible que la lettre ne vous arrivât pas voici toujours quelques renseignements qu’il a donné. Le gros cordon se vend ici 1centimes la livre ; le fil gros 28 et le fil fin 42. Vous me feriez plaisir mon cher père de me faire connaitre quel sera le résultat de la proposition qui vous a été faite sur cet objet et si vous vous décidez à entreprendre cette fourniture ce que je désire fort tant à cause de vous que de mon frère.
Il fait nuit et Mr Bergerot vient chercher nos dépêches ce qui m’oblige de finir brusquement. Adieu donc mes chers père et mère , portez vous bien, embrassez toute la famille pour nous , agréez les témoignages de tendresse de ma femme , d’Abel de Tixier qui tous se portent bien et ceux de votre dévoué fils.
Jeandet
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1826
Paris le 9 avril 1826
Je déplore bien sincèrement, mon très cher père, que depuis huit jours environ que j’ai reçu votre lettre si impatiemment attendue, des occupations intempestives m’aient empêché d’y répondre de suite. Peut être en avez vous déjà conçu contre moi du mécontentement, et attribuez-vous à tout autre motif que celui dont je viens de vous donner l’explication, la cause de mon silence . Aussi quoique le départ de Mr Machureau paraisse devoir être assez prochain, je n’ai pas voulu remettre à une époque toujours incertaine ce qu’il me tarde tant de vous dire, et j’use des premiers moments dont je puis librement disposer pour m’entretenir avec vous.
Vous aves pu juger par l’intérêt général que vous avez, pendant les heures de votre maladie, inspiré à tous les étrangers , heureuse récompense sur cette terre pour l’homme de bien, de l’inquiétude et de l’espèce d’angoisse qu’a causé cette nouvelle à toute votre famille , mais surtout à la partie de cette famille qui se trouvait à cent lieux de vous et dont les craintes s’accroissaient à raison de son éloignement. Il faut savoir combien vous méritez le nom de père et conséquemment combien nous vous portons d’affection pour se faire une idée de tout ce que nous avons souffert pendant les cruelles incertitudes où l’on nous a laissé si longtemps, et que votre lettre seule a pu complètement dissiper . Après avoir lu le peu de mots que mon frère m’adressa sur le sujet, et particulièrement après avoir jeté les yeux sur quelques lignes tracées par vous, où vous paraissez avoir fait de gros efforts pour les écrire, une sorte de stupéfaction s’empara de tout mon être . Je n’avais plus qu’une pensée, celle de me jeter dans une voiture , de voler auprès de vous , de vous voir, de vous voir encore, de vous embrassez , peut être hélas ! pour la dernière fois, tant mon imagination troublée aggravait le mal et me le représentait désespéré ! ma femme qui ne sait plus mettre de différence entre l’amitié qu’elle vous a vouée et celle qu’elle a pour sa mère, éprouvait intérieurement le même désir et m’engagea bientôt a effectuer au moins pour moi même cette résolution. Nous avions interrompu la lecture de cette lettre si désespérante , je pris enfin sur moi de la reprendre. J’y vis alors ce que Mr Adrien avait eu l’obligeance d’y ajouter. Les détails me calmèrent, je rentrais en moi même, je raisonnai comme médecin. En cette qualité , rien n’était alarmant, et si j’avais été auprès de vous il me semblait que je n’aurais pas même eu de l’inquiétude . Le temps a réalisé cette espérance . Votre lettre enfin où j’ai reconnu votre écriture nous a tous fait tressaillir de joie, mais aussi m’a suggéré quelques réflexions que je vais vous communiquer.
Votre maladie me semble avoir eu pour cause de trop grandes fatigues et sa durée n’avait été si longue que parce que vous n’avez pas voulu d’abord y faire attention et vous en référer à la médecine. Mr Adrien , pour qui je conserve une vive reconnaissance des soins empressés qu’il vous a rendus, s’est conduit dans ce cas avec tout le discernement possible et il aurait surement obtenu un résultat plus prompt si vous aviez été plus docile à ses avis. Vous avez de la répugnance pour les remèdes ? mais qui n’en a pas ? mais quand il s’agit d’un intérêt aussi cher que celui de la santé, qui n’a pas la force de surmonter ce dégoût ? ce n’est pas au surplus une médecine bien assujettissante que celle à laquelle on a voulu vous astreindre, et à laquelle, si je juge bien votre état présent, fous devriez encore vous soumettre. Mon frère, me dires vous , ( car pourquoi ne ririons nous pas puisque vous êtes en convalescence ) mon frère administra les clystères mieux que les premiers apothicaires de Paris . Pourquoi ne pas user de ce talent tous les jours ? est-de donc une grande douleur que de prendre un clystère , est ce une honte , est ce quelqu’autre chose ? non ce n’est rien de tout cela , mais ce qu’il y a de certain, c’est qu’ils vous ont tait constamment un grand bien et qu’ils vous le feront encore . Aimez vous toujours le vin blanc de nos coteaux ? sans doute. eh bien ! quelle différence si grande il y a-t-il donc entre cette boisson et la limonade ou le petit lait. buvez chaque jour une pinte de petit lait ou de limonade , mangez des pruneaux cuits avec du miel , des épinards, des soupes maigres ; prenez quelques tasses de lait, le matin à jeun. Mr ???? la plus difficile de ce traitement est celle qui consiste à vous condamner au repos, à l’éloignement de tout travail excessif . Ici la matière est plus grave et exige que je reprenne le ton sérieux . Quoi donc ! après soixante dix ans de travaux ininterrompus , n’est-il, pas temps enfin de se reposer et serez vous le seul qui pensiez toujours à vivre pour les autres , jamais pour vous ? votre fortune , mon cher père , a été trop souvent entamée pour subvenir à toutes les charges qu’une nombreuse famille vous imposait, pour qu’elle soit ,je le sais, bien considérable . Mais telle qu’elle est, avec vos habitudes sobres, vos goûts peu dispendieux vous en avez assez. hélas ! pourquoi faut-il qu’une inconcevable fatalité que toutes mes tentatives n’ont su conjurer , m’ait ôté les moyens de pouvoir l’augmenter ! heureux toutefois encore de vous voir dans une position où mon assistance vous serez presque superflue ! Jouissez donc enfin de ce que vous vous êtes faits vous même, libres désormais de tous soins avec la plus dévouée des épouses , et si vous voulez encore conserver quelque chose de cette vie qui a tout été en actions, que ce qui se fait plus qu’en distraction pour remplir des loisirs qui pourraient vous devenir fastidieux et nuisibles par leur contrainte. Enfin je termine par une dernière considération, également importante : ma bonne mère a aussi besoin d’être un peu plus à elle pour être plus à vous deux. Fatiguée déjà d’avoir mis au jour treize enfants , elle a été en outre un des bras qui portait la vie partout; elle a été sans interruption le compagnon volontaire de toutes vos peines, de tous vos travaux, de toutes vos fatigues. Vous n’avez plus autour de vous que ce seul membre d’une grande famille que des intérêts divers ont dispersé. Elle seule vous est restée fidèle. Que de motifs pour vous de ménager sa santé et de tout sacrifier pour son bonheur !
Adieu mon très cher père , embrassez mille fois pour nous notre bonne mère et croyez que vous n’avez pas de fils plus dévoué que moi.
Jeandet
Je n’ai rien pu vous dire de nous; il m’importait davantage de parler de vous . si mon temps me le permette vous écrirai de nouveau par Mr Machureau dont le départ doit avoir lieu dans quatre ou cinq jours, occasion dont tout le monde profitera pour écrire.
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Paris le 12 avril 1826
Mon cher père,
Le départ de Madame Machureau devant avoir lieu une ou deux heures, je me hâte de vous écrire quelques mots pour faire suite à la lettre que vous venez de recevoir de moi et dans laquelle, comme vous l’avez vu , je n’ai pu vous parler de plusieurs choses.
Et d’abord je vous dirai que nous avons appris avec la plus grande joie la nouvelle de votre ?????? Chapuis nous a fait part de la lettre de sa mère , dans laquelle elle annonce que vous êtes allé la voir , ménagez vous bien, mon cher père , dans la crainte de retomber; et usez de tous les conseils qui forment le sujet de ma précédente. Mais il est un objet sur lequel je désirerai avoir de plus amples détails . Vous m’avez dit qu’en faisant des efforts pour aller à la garde-robe (?), votre hernie était sortie et avait paru de la grosseur d’un œuf d’oie. Vous avez bien ajouté qu’elle était rentrée peu de temps après , mais je ne suis pas tranquille encore et j’en prends occasion de vous renouveler les conseils que je vous ai donné mille fois, celui de porter un bandage , moyen infaillible de vous mettre pour jamais à l’abri de tout nouvel accident.
Vous trouverez dans tous nos envois, un livre qui est destiné à Mr Adrien. Vous voudrez bien lui faire remettre et vous recevrez huit francs de lui pour le prix qu’il m’a coûté. Dites lui que s’il a besoin de quelques autres ouvrages de médecine je me ferai un plaisir de me charger de cette commission.
Je vous accuse ici la réception des deux jambons que vous aviez remis à Mr Marchandeau. Nous avions reçu quelques temps auparavant la farine de gaudes et le saucisson. Nous ignorons où vous avez achetez ce dernier mais je dois devoir vous prévenir pour qu’on y retourne pas une autre fois, nous l’avons trouvé d’une qualité très inférieure au précédent, et tellement mou qu’il semble à de la viande véritablement crue sans goût et qu’on n’oserait servir.
J’ai écris pour répondre à votre demande, à mon oncle François vers les derniers jours de décembre dernier. J’en ai reçu de ma tante Jentaut, et toujours à cause de quelques propos qu’a tenu ma mère, une réponse qui m’avait fortement indisposé. Je voulais d’abord y répondre de mon côté et user avec aigreur du droit qu’on a contre les personnes qui vous ont offensé gratuitement. Mieux conseillé par mes réflexions je me suis tu, et j’ai renvoyé à un autre moment le soin de mettre chacun à sa place. J’ai reçu d’eux depuis , c’est à dire il y a environ un mois et demi, un petit envoi consistant en deux perdrix et un lapin, le tout accompagné d’une lettre fort gracieuse à laquelle j’ai répondu en faisant mes remerciements sur le même ton. Ainsi les choses se trouvent aujourd’hui comme par le passé et mon intention n’est pas de les empêcher d’y rester. Vous voyez que tout s’est accommodé à l’amiable.
J’ai fait et je fais encore des pertes assez nombreuses. Le peu que m’a produit mon travail ici se trouve en partie fort aventuré. Je n’en serais pas pour moins de sept à huit cents francs pendant l’année dernière et celle qui commence. Aussi suis-je dégoûté on ne peut plus et j’aime presque autant rester chez moi que d’aller voir des malades dont on est jamais sûr d’être payé. Vous savez la faillite de Lavergne, j’en suis avec lui pour une centaine de francs en y comprenant vingt francs que me devait son associé . La conduite de ce jeune homme est des moins délicates . J’en suis pour mon compte très mécontent et ce que j’ai appris du dessein ou il a été de vous escroquer huit cent francs m’a rendu furieux contre lui. Nous n’avons pas vu son père et nous pensons qu’il n’osera pas se montrer. Toutes ces contrariétés, les vues tronquées me tiennent toujours incertain, irrésolu sur ce que je dois faire ou ne pas faire. Nous voulions faire venir notre petit, nous hésitons. Ma femme a écrit à sa mère sur cet objet et réclame un conseil de famille auquel nous nous soumettrons. Je n’ai toujours de place, pas d’espérance d’en avoir et vous savez que depuis bien longtemps il ne faut plus compter en rien sur celui qui m’avait tout promis. Son indifférence à cet égard est telle que je le vois beaucoup plus rarement et qu’à chaque instant je suis presque résolu à rompre tout à fait avec lui. Je n’ai jamais connu d’individu plus profondément égoïste que cet illustre ami.
J’ai peu être encore bien des choses à vous dire mais qui ne me viennent pas pour le présent; d’ailleurs je suis pressé et il faut finir; toutefois il en est une sur laquelle je ne saurai trop insister parce que d’elle seule dépend votre santé et le bonheur de toute votre famille : veillez mon cher père, sur votre conservation, en vous abstenant de trop longs travaux, en vous astreignant à un régime que les ans , les fatigues, les ???? et souvent les tourments de la vie vous ont rendu nécessaires; veillez également sur celle de ma bonne mère, sur le dépôt que vous avez tant d’intérêts de ménager pour votre félicité et pour la notre.
Adieu, mon très cher père, embrassez toute la famille pour moi, agréez les témoignages bien sincères de tendresse et d’affection de ma femme et croyez que vous n’avez personne qui ne vous est plus dévoué que votre fils.
Jeandet
P.S. un de mes grands tourments est l’état toujours maladif de ma femme. Elle a horriblement souffert, de cette maudite maladie que vous lui connaissez pendant plus de deux mois. Depuis quelques jours pourtant elle a été beaucoup mieux et fou me fait espérer que sa position ira en s’améliorant. J’ai été moi même indisposé de manière à me donner des inquiétudes , les médecins voient leur maladie à travers un prisme qui en centuple la gravité. J’éprouvais un mouvement extraordinaire dans l’intérieures de la poitrine, des battements presque continuels des palpitations etc… En un mot j’avais à mes yeux un anévrisme du cœur ou d’un gros vaisseau, maladie éminemment mortelle. Heureusement tout cela s’est dissipé et ma santé est aujourd’hui des meilleures . J’ai attribué tout ce tumulte à l’impression profonde que m’a laissé la nouvelle de votre maladie, outre qu’auparavant j’étais déjà mal disposé.
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Paris le 9 août 1826
Mon cher père,
La présence de mon frère ici nous a causé à tous un plaisir dont j’aurais voulu en particulier pouvoir prolonger indéfiniment la durée. Mais j’ai senti que le sacrifice qu’il faisait pour moi était assez grand, et j’ai craint de l’augmenter en cherchant à retarder son départ. J’ai appris de lui avec une satisfaction dont vous concevez facilement l’excès , que votre santé était redevenue ce qu’elle fut autrefois, c’est à dire des plus florissantes. Le dérangement qu’elle à éprouvé dernièrement est pour moi une sécurité pour l’avenir. une maladie à votre âge , mon cher père, est une lutte de laquelle si l’on sort triomphant, on doit espérer encore de longs jours; la nature se retrempant en quelque sorte et prenant de nouvelles forces après cette épreuve. Combien je me complets le plus ardemment de vous revoir, de vous embrasser et de ne pas vous avoir quitté peut être pour jamais. à l’âge où je suis arrivé on ressent plus vivement l’attention qu’on doit à ses parents par celle qu’on a soi même pour ses propres enfants.. Nous jugeons mieux de ce qu’ils ont été pour nous par ce que nous sommes pour les nôtres et c’est à celui qui est devenu père à son tour qu’il appartient seul de connaître les véritables sentiments qu’inspire un titre aussi sacré.
Je n’ai aucune observation à vous faire sur le compte que vous m’avez adressé. Il en résulte que je vous redois quarante deux francs quarante cinq centimes ! voici maintenant ce que j’ai payé pour Tixier :
une première inscription le 10 novembre 1825 ……. 30 francs
2° inscription le 13 janvier 1826…………………….. 30 francs
3° inscription le 14 avril 1826………………………… 30 francs
4° inscription le 11 juillet 1826……………………….. 30 francs
en outre on lui a acheté un chapeau………………… 17 francs
on lui a prêté à divers époques ……………………… 20 francs
pour blanchissage……………………………………… 5,20 francs
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total 162,20
qui paye - 42,45
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reste 119,75
J’ai appris de mon frère que notre bonne mère avait à l’un des côtés une tumeur qui semblait avoir été produite par des efforts répétés qu’elle avait fait en tenant les bras élevés. Cette grosseur m’a-t-on dit est douloureuse. J’ignore , ne l’ayant pas vue de quelle nature elle peut être . Je vous prie, mon cher père, de ne pas mettre la dessus la même indifférence que celle qui vous a affecté. Il faut absolument que quelqu'un voit ce qu’il en est, pour qu’on puisse y appliquer les moyens convenables. Je ne serai pas tranquille que vous ne matez répondu point par point sur cet article.
Adieu min cher père , embrassez mille fois pour moi, pour ma femme et pour Abel notre tendre mère dont la santé nous est à tous si précieuse et comptez sur l’inaltérable attachement de votre tout dévoué fils.
Jeandet
P.S. Ma santé semble meilleure depuis environ quinze jours , on vous a grandement trompé quand on vous a dit qu’elle était toute dans mon imagination qui a assez de choses réelles pour se tourmenter sans s’en créer de futiles et que personne ait moins à raconter que moi. Ne m’oubliez pas auprès de notre famille , de Mme Chapuis et de Mlle Claire.
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Paris le 28 septembre 1826
Il semble, mon cher père, que nous soyons étranger l’un et l’autre à la grande affaire qui se prépare et qui est sur le point de s’exécuter : vous voyez que je veux parler de mon retour à Verdun. Un malheureux concours de circonstance et plus qu’elles, surtout l’état pour satisfaisant de ma santé m’ayant enfin décidé. Toute la correspondance relative à cet objet a eu lieu entre ma femme et Mme Chapuis . mais quels que soient les empêchements que j’ai eus, je vous en aurais instruit le premier et j’avais voulu avoir votre avis à cet égard si je n’avais appris que vous approuviez ma résolution; car, avant tout, je ne désire rien tant que d’agir selon vos désirs vos vues. Je sais que mes intérêts ne vous sont pas moins chers que les vitres et qu’en pensant sérieusement aux miens, c’est vous donner une tranquillité de plus, or je crois le faire en prenant le parti dont je parle j’ai murement réfléchi depuis bien longtemps. on m’a fait des propositions fort avantageuses pour aller m’établir à douze lieux de Paris . Je les ai refusées puisqu’elles me privaient d’un jouissance inappréciable que j’attends de mon retour à Verdun, celle de vivre au milieu de vous, au sein d’une famille que je vais encore revoir pour ne plus la quitter. Adieu Paris, ville que je regrette pourtant et que je devrais quitter avec plaisir puisqu’elle a trompé toutes mes espérances.; adieu fortune, gloire , ambition, je vous fais un éternel adieu. Jai payé trop cher le vain espoir que vous m’avez inspiré !
Je viens de recevoir à l’instant une lettre de mon frère et de Tixier. Parlons d’abord de ce dernier. Il parait désiré fort d’être ici avant notre départ; je ne le suis pas moins; mais pour cela il faut qu’il se hâte. Notre logement qui nous pesait encore trois mois sur les bras est loué. Nous devons en conséquence l’évacuer le 15 octobre et tout notre attirail de meubles partir pour un roulage. a cette époque ou peut être un ou deux jours auparavant. Nous sortirons probablement d’ici deux ou trois jours après, bien embarrassés pendant ce temps de nos personnes et ne sachant guère où nous pourrons reposer nos têtes , à moins que nous ne trouvions à nous foirer chez Chapuis ou que nous n’aimions mieux nous mettre à l’auberge. En pressant son départ Tixier peut partir un ou deux jours après la réception de cette lettre et arriver ici le sept ou huit octobre. J’aurais alors du temps pour lui chercher un logement, et lui pour nous aider, comme il le propose, dans cet embarras Il m’importe ainsi qu’à lui d’autant plus que les chose se passent ainsi que j’ai quelques livres à lui que je lui laisserai et qu’il faut qu’il choisisse. que ses effets sont ici et qu’on le transporterai de suite à son nouveau logement.
Nous avons une malle appartenant à Tixier dont nous nous serions servi car nous avons besoin de bien des objets pour notre emballage ; nous la lui aurions remise à notre arrivée; mais puisque son retour ici précèdera notre départ, il voudra bien prier ma belle soeur Jeandet de lui prêter la sienne dans laquelle il mettra ses effets , et que nous ramènerions avec nous. Il aura soin de la remplir exactement avec de la paille , dans les cas ou les effets ne suffiraient pas pour cela , et afin qu’ils ne soient pas endommagés . Il laissera à Verdun la boite qu’il a emportée.
Vous avez surement le dessein, mon cher père, de donner à Tixier l’argent que vous jugez lui être nécessaire pour quelques mois. J’en ai , je crois un peu plus que je n’en dépenserai pour notre déplacement, quoiqu’il va nous coûter beaucoup. Je vous engage donc à ne lui remettre que la somme dont il peut avoir besoin pendant son voyage, et de m’indiquer par un mot celle que vous voulez que je lui laisse pour les dépenses courantes.
Dites à mon frère que sa lettre m’a causé bien du plaisir. J’aurais voulu lui répondrais je ne le puis pas : dans ce moment difficile où je me trouve, et lorsqu’il me faut abandonner bien des affaires embrouillées, je n’ai pas une minute à moi. Je m’en dédommagerais lorsque je le verrai et que je pourrai lui parler de vive voix. Priez le de m’acheter trois ou quatre ????? de bon bois , bien sec et brûlant comme des allumettes qu’il déposerai chez Mme Chapuis, je le ????? à mon retour de toutes ses avances.
Adieu mon cher père , adieu ma bonne mère , je vais bientôt être auprès de vous, vous embrasser, la joie que j’en ressentirai cicatrisera sans doute les plaies profondes qui ont attisé ma faute.
Votre tout dévoué fils
Jeandet
Voyez toute la famille pour nous, embrassez la en attendant que nous puissions le faire.J’écrirai à mon frère avant le départ de nos effets , je lui marquerai le moment où ils arrivent à Chalon afin qu’il ait, s’il est possible, la complaisance de s’y trouver pour les faire charger à nouveau et les conduire à Verdun.
Donnez nous des nouvelles et marquez nous ce que vous aurez arrêté relativement au départ de Tixier.
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Date de dernière mise à jour : 02/07/2021
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