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Verdun le 19 octobre 1867.
Mon bien cher Amédée,
Tu nous a causé une surprise agréable par ton billet du 13 courant joint à la lettre d'Oscar. Nous ne l'attendions pas. À l'avenir, chaque fois que Lecracq, Abel ou Oscar écriront, tu feras donc bien de joindre à leur lettre quelques lignes de ta main pour nous donner de tes nouvelles. Ta maman et moi nous voyons avec satisfaction que tu t'habitues, ainsi que tu le dis toi même et que le soir, une fois couché, tu te crois dans ton lit de Verdun. Tu nous dis encore que tu n'oublies pas nos recommandations, que tu fais ton possible, en un mot que tu travailles de ton mieux : continue, mon cher enfant, à te conduire de la sorte, ais toujours présent à la mémoire, les bons conseils, les leçons de morale que ton excellente mère ou moi nous te donnions sans cesse alors que tu avais le bonheur d'être auprès de nous ; sois obéissant, docile, soumis envers les maîtres en général et en particulier envers M. Vuillot, ton professeur ; vis en bonne intelligence avec tes condisciples ; sois bon camarade, mais que ta bonté, bien entendu ne dégénère pas en faiblesse ; l'on peut être comme on dit un bon enfant, et malgré cela ne pas se laisser marcher sur le pied sans crier gare !...ta sœur Valentine dont tu demandes des nouvelles, a été, mon cher ami, après ton départ bien plus malade : il a fallu lui reposer des sangsues, la mettre dans les grands bains deux fois par jour ; ton oncle Abel est venu la voir jusqu'à trois fois dans la même journée. Tu dois comprendre combien nous avons eu d'ennuis et ta pauvre maman surtout qui lui prodiguait ses soins a été et est encore bien fatiguée. Aujourd'hui ta sœur va tout à fait bien ; elle ne quitte pas encore la chambre, mais avec son appétit qui revient, reviendront aussi ses forces. Toutefois, mon Amédée, au lieu d'aller en pension, Valentine restera l'hiver près de nous ; ainsi encore pour quelques temps, il n'y aura qu'une place vide à notre table...la tienne !... Comme nous en sommes convenus ici en nous quittant, tu nous écriras fin de ce mois une lettre que tu nous enverras par la poste. Abel te fera un modèle d'adresse, ou bien si tu ne te sens pas de force, il la mettra lui même. Dans cette lettre, cher petit, tu essayeras de nous donner de plus longs détails sur toi même et sur tes études ; si on a donné des places, tu nous feras connaître les tiennes ; Dis nous si tu as ton uniforme et s'il te va bien, ce qu'il te reste d tes petites provisions, telles que pruneaux, noisettes, noix, pommes, etc... Si toi et ton cousin vous avez déjà attaqué le pot de confiture...En voilà bien long, cher enfant, je perds un temps précieux à t'écrire cette lettre que je trace en gros caractères afin que tu puisses la déchiffrer ; mais je ne recommencerai pas de si tôt, tu sais que je n'ai jamais un moment dont je sois le maître de disposer selon mon bon plaisir ; les autres fois, ta maman et à son défaut, tes sœurs, se chargeront de la correspondance.
Adieu mon cher petit Amédée, ta maman et moi nous t'embrassons bien tendrement, ton père et meilleur ami,
Amédée Jeandet
P.S. Tes trois sœurs t'embrassent bien. Oncle tante et cousines embrassent Abel. Dans ta lettre n'oublie pas ta grand mère, ton oncle et ta tante Abel, la tante Adrien.
***
Verdun 1° décembre 1867
Mon cher Amédée,
Tu seras peut être bien étonné de voir que ce n'est pas Valentine qui t'écrit, mais je te dirais qu'elle a beaucoup de besogne, d'abord il faut qu'elle fasse son trousseau de pension et ensuite comme elle a reçu de Lucienne une longue lettre à laquelle elle va répondre, voilà pourquoi je la remplace. Nous parlons souvent de toi, mon cher Amédée avec papa et maman, mais ce qui nous fait plaisir c'est que tu t'habitues au collège et que tu paraisses vouloir bien travailler . Papa et maman ont été bien content de ta place d'arithmétique et je t'engage à continuer, ce qui leur fera grand plaisir. Maman me charge de te dire de t'habiller chaudement, de mettre tes sabots, ton caleçon parce qu'il fait très froid. Tu demandes si M. ????? a toujours bien des élèves ? Il en a à peu près comme l'an passé et presque rien que des petits et si tu étais ici, tu serais parmi les grands. Tes camarades se portent tous bien ; Madame Colliard me charge de t'embrasser et ton camarade Mimile ne t'a pas oublié. Lucienne me charge de te faire biens des amitiés. Nous nous portons tous bien, papa maman et mes sœurs se joignent à moi pour t'embrasser.
Ta sœur qui t'aime de tout son cœur,
Louise Jeandet
tu embrasseras bien Abel pour nous.
Je ne veux pas laisser partir la lettre de ta sœur Louise, sans y joindre ces quelques lignes. Depuis ton départ de Verdun tu n'as encore reçu qu'une lettre de moi, c'est peu n'est ce pas ? Que veux tu … tu dois te souvenir comment je passe mon temps et de la vie de ton pauvre père qui est une vie occupée !... Voilà plusieurs fois que tu nous parles du jour de l'an, et dans ta dernière lettre tu comptes les jours qui nous en séparent : à ce propos mon cher Amédée, je te rappellerai ce que je te disais ici. Dans nos derniers entretiens, c'est qu'il ne fallait pas regarder, comme une chose certaine, ta venue à Verdun à cette époque. Que tu souhaites ardemment y venir, cela se comprend et même nous fait plaisir, c'est une preuve évidente de ton affection pour nous, mais, mon cher ami, il faut faire la part des obstacles imprévus qui peuvent s'opposer à ce voyage et, le cas échéant, te montrer fort à supporter cette contrariété. Toutefois , mon Amédée, si tu désires nous voir ta maman et moi, nous ne le désirons pas moins, moi surtout qui ne suis pas allé à Dole comme ta bonne mère ; nous ferons donc notre possible pour te faciliter les moyens de venir, si d'ici là tu continues par ta bonne conduite et ton travail assidu à contenter tes maîtres. Une autrefois, je te parlerai de tes études, de ton orthographe, de ton écriture, de tes places dont la dernière en arithmétique, était bonne, mais qui sera encore meilleure la prochaine fois, je l'espère bien. Adieu mon bien cher enfant, ta maman et moi nous t'envoyons mille baisers ; ton tout dévoué père et ami,
Amédée Jeandet
***
Verdun 24 décembre 1867.
Mon cher Amédée,
Si j'ai tant tardé à t'écrire, c'est parce que je voulais que nous soyons plus près du jour de l'an, afin de te donner les renseignements nécessaires. Tu mettras ton uniforme de collégien pour venir, parce que je crois que tes habits s' abîmerons moins sur ton dos que dans un paquet, et puis tu rouleras tes habits de tous les jours et tu les envelopperas dans une serviette de toilette. Si tu as quelque chose de déchiré, apporte le également pour qu'on y raccommode. Tu nous apporteras la note des habits que M. Berger t'a fourni, dis à Maurice de la demander de ta part à son père , et de te la remettre .
Adieu mon cher enfant, en attendant le plaisir de te voir je t'embrasse bien tendrement.
Ta mère qui t'aime bien
Fanny Jeandet
Ne manque pas d'apporter ton bulletin trimestriel.
A l'occasion du jour de l'an, il faut, mon cher Amédée, que tu écrives une petite lettre à ton grand père Ducordaux. Tu lui parleras du collège, de ton travail, de tes places, celles en arithmétiques surtout, car tu sais qu'il aime tout ce qui à trait aux mathématiques. Tu termineras en lui offrant tes vœux de bonne année, sans oublier ta tante ???? et ta cousine Esther. Soignes, mon cher enfant, le mieux que tu pourras et ton orthographe et ton écriture, l'une et l'autre laissant beaucoup à désirer.
Tu écriras ta lettre dimanche et tu la feras mettre à la poste lundi 30 courant. Voici une enveloppe avec l'adresse et le timbre. A bientôt, cher Amédée.
A. Jeandet
***
1868
Verdun le 19 janvier 1868.
Mon cher Amédée,
A la réception de ton premier billet, je voulais y répondre, j'en ai été empêché, et ce n'est qu'aujourd'hui dimanche , que profitant d'un instant de calme, je vais essayer de causer un peu avec toi. Dans ton premier billet tu nous dit avoir pleurer à ton arrivée à Dole et t'ennuyer un peu ; dans ton second billet du 13 tu nous parles encore de ton ennui ! Je comprends très bien, cher enfant, ton chagrin, c'est ce qui arrive après chaque séparation, s'il en était autrement, si tu restais insensible c'est que tu ne nous aimerais pas : mais, mon ami, ces sentiments si vrais doivent avoir un terme ; si tu t'y abandonnais plus longtemps, ce ne serait qu'au détriment de ta santé et ton travail. Il faut nous aimer ,beaucoup même, de tout ton jeune cœur, pensant chaque jour à nous, à tes sœurs, à tes autres parents, à ton pays natal, mais il faut, enfant, y puiser un grand courage, une ferme résolution de nous contenter par ton assiduité au travail, par ta bonne conduite et ta docilité envers les maîtres. Je te répéterai ce que je t'ai dis en causant au coin du feu, jusqu'à présent, à peine trois mois de collège, tes progrès sont à peine sensibles, du moins pour ce que je vois, ton orthographe et ton écriture ! Ta sœur Valentine est à Dijon depuis mercredi 15 courant ; ta maman a trouvé ta cousine Lucienne tout à fait habituée et bien portante. Nous comptons beaucoup sur elle pour aider ta pauvre sœur a accepter puis à se faire à sa nouvelle condition. Nous attendons la première lettre de ta sœur demain matin. Un mot maintenant sur tes finances et tes petites provisions : celles ci touchent à leur fin ou bien peu s'en faut, n'est ce pas ? Tu as du faire de fréquentes visites aux bonbons, croquets, chocolats,oranges, etc, etc... Quant aux premières, c'est à dire tes finances , j'espère qu'elles sont encore intactes ! En effet, à quoi bon dépenser, ce que vous appelez vos semaines, puisque tu es parti bien pourvu de friandises ? Sans compter les 50 c. dépensés à l'hôtel, il a du te rester 1,50 franc. Nous sommes convenus que tu ne dépenserais que 20c. par semaine, par conséquent, fais en sorte que cette somme de 1,50fr te conduise jusqu'au 15 du mois prochain. Tu as donc des vers, puisque tu manges des pastilles vermifuges et que tu nous dis ne plus en avoir de celles-ci, ni ne plus sentir ceux-là?Si tu veux encore des pastilles tu me le diras. C'est toi mon cher enfant qui doit faire les frais de la correspondance à la fin de ce mois ; eh bien ! Quand tu en seras là, il faudra lire attentivement cette lettre et répondre, de ton mieux aux diverses questions que je te pose. J'ai écrit à monsieur le principal à propos de ton cou ; en sais tu quelque chose ?
Adieu mon bien cher Amédée, porte toi bien et bon courage ; ta bonne mère et tes sœurs se joignent à moi pour t'embrasser bien fort sur les deux joues, ton père et meilleur ami,
Amédée Jeandet
P.S. Nous embrassons affectueusement ton cousin
***
Verdun le 1° mars 1868.
mon bien cher enfant,
Il y a longtemps que je veux t'écrire, et toujours j'en suis empêché ; aujourd'hui je commence cette lettre avec la crainte de ne la point faire aussi longue que je ne le voudrais. Ainsi que tu dois t'en souvenir, tous ici nous sommes accablés de besogne, il n'y a pas un moment à perdre et aussitôt une besogne achevée, il faut en recommencer une autre . Ton excellente mère me seconde autant qu'elle peut et Louise et Fanny, depuis le départ de Valentine, laquelle comme tu le sais, avançait pas mal aux mouches, sont devenues très habiles à ce genre de travail. Tu le vois mon cher Amédée, nous employons ici assez bien notre temps ! Et toi, fais-tu de même au collège ? Voyons, réponds, es-tu content de toi ? Mais tu gardes le silence et nos questions t'embarrassent. Eh bien ! Mon ami, veux tu savoir ce que je pense de ton travail ? À en juger d'après ta correspondance, il ne me semble pas être plus suivi, plus soutenu, et surtout plus profitable pour toi, qu'il ne l'était avant le jour de l'an. En effet, ton orthographe demeure au même point, ton style aussi et ton écriture, note bien ceci, ton écriture dis-je devient illisible. Quand tu nous écris cher enfant, il faut t'appliquer, faire de ton mieux, et ne pas courir le galop comme tu le fais en classe alors qu'on vous fait une dictée. Te voilà un grand garçon, mon Amédée, tu as 10 ans révolus depuis le 18 janvier ! Il faut donc te mettre résolument au travail, prêter toute ton attention aux explications de ton professeur et faire ton possible pour te maintenir au moins dans la première moitié de ta classe, ce qui ne t'arrive plus maintenant. as-tu fais raccommoder tes habits déchirés ? Il faut être soigneux de tes effets en général et de ton uniforme en particulier. Inutile de faire raccommoder les vieux souliers qui n'en valent plus la peine ; mets tes sabots, qui sont encore en état, nous dis tu et fais en sorte que tes souliers te conduisent jusqu'à Pâques, époque à laquelle on t'en fera faire des neufs. Il n'y avait pas de lettre dans le panier de provisions ; il venait directement de Seurre, attendu que c'est ta tante Parize qui t'a fait ce petit envoi, à l'exception cependant du saucisson qui vient de Verdun. Renvoie donc le panier avec celui que je t'ai donné à ton départ de Verdun, par Blot qui loge, comme tu sais, chez ton oncle Parize ; Abel voudra bien mettre une adresse. Je joins à cette lettre, cher Amédée, une enveloppe timbrée avec adresse, pour mettre la lettre que tu as l'intention d'écrire à ton grand père ; seulement quand tu en seras là, je ne saurais trop te recommander de bien t'appliquer ; il faudra faire un brouillon d'abord, puis le recopier lentement et former tes lettres avec soin. Ton grand père t'a donné 12 francs pour tes étrennes, il ne faudra donc pas oublier de bien le remercier. Tu trouveras encore, mon ami, sept timbres poste de 20centimes que ton cousin voudra bien convertir en espèces sonnantes, ce qui te fera 1 franc 40 centimes, somme suffisante pour attendre les vacances de pâques. Dans ton prochain billet tu m'accuseras réception de cet argent et tu nous diras si tu as renvoyé le panier à Seurre. Ce matin nous avons eu une lettre de valentine ; elle s'habitue parfaitement et travaille de même. Tous les mois, le grand jeudi la tante Parize va à Dijon et elle fait sortir ta chère sœur avec Lucienne. Adieu, mon bien cher enfant, mets à profit les conseils que renferme cette lettre at aime nous comme nous t'aimons, ton dévoué père et meilleur ami,
Amédée Jeandet
P.S. Mon cher Abel, ta maman t'envoie par une occasion un petit paquet où tu trouveras ???????
Si on ne te l'apporte pas, tu le feras réclamer à l'hôtel de Blot. Tout le monde va bien et nous t'embrassons.
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Verdun le 6 mars 1868
Nous avons reçu, mon enfant, le billet que renfermait la lettre de ton cousin. Eh bien ! Franchement, je m'attendais à quelque chose de mieux ! ????? la veille tu avais reçu de moi une longue lettre où je te faisais maintes recommandations ayant trait soit à ton travail soit à tes habits, j'ai l'attention d'y joindre vingt huit sous en timbres juste pour tes menus plaisirs et en te les annonçant je te dis « ne manque pas dans ton prochain billet de m'accuser réception de cet argent », eh bien ! Mon pauvre Amédée, le billet nous arrive, et note bien que tu l'as écrit le lendemain de la réception de ma lettre , je le lis attentivement, j'y cherche en vain une phrase, un mot indiquant que cette lettre de 4 pages a laissé quelques traces dans ton esprit, tu te gardes bien d'en souffler mot. C'est à n'y pas croire, en vérité. Des timbres poste, des paniers, que je charge de renvoyer à ton oncle Parize, de tes habits et souliers, de ton travail, de toutes ces choses il n'en n'est point question ! Mais aussi pour nous consoler de ton silence sur ce qui pourrait nous intéresser, tu commences ta lettre par ton éternelle phrase qui ne saurait varier sous ta plume facile, et puis tu nous demande si l'oiseau vit toujours, ce que devient le chat !...relis donc, cher Amédée, ma lettre du 1° de ce mois, relis encore les deux autres qui l'ont précédées, et applique toi, je ne saurais trop t'y engager, à mettre à profit les conseils que je te donne.
Ta mère et tes sœurs se joignent à moi pour t'embrasser. Ton tout dévoué père,
Amédée Jeandet
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Verdun le 1° mai 1868.
Mon bien cher enfant,
Je suis content de ton exactitude, ta lettre est arrivée à l'époque convenue. Nous avons vu avec plaisir que tu étais raisonnable, tu t'ennuie moins cette fois que l'autre et je t'en félicite ; l'ennui engendre, entre autres maux, le dégoût du travail, l'on devient paresseux, et la paresse, cher Amédée, ne produit rien qui vaille. Accepte donc résolument, cette nouvelle phase de ton existence ; pendant bien des années encore, il te faudra rester au collège, et n'oublie jamais que tu ne saurais mieux nous témoigner ton affection qu'en méritant, par ta bonne conduite et un travail soutenu, les éloges de tes maîtres. Ta place de 6° en orthographe est assez bonne, je suis sûr qu'elle serait meilleure si tu étais plus attentif ; car bien des fautes sont dues à la légèreté, ensuite, et c'est là une chose importante, si ton écriture était plus correcte.
Ta sœur Valentine est près de nous depuis le dimanche 26 avril : comme tu le dis avec raison, elle n'a pas plus beau temps que toi, toutefois, depuis hier, le soleil se montre , aujourd'hui la journée semble vouloir être belle. Les vacances de ta sœur, encore moins longue que les tiennes, touchent à leur terme, à peine arrivée, voilà qu'il faut s'occuper des préparatifs du départ ; il faut qu'elle soit rentrée à sa pension mardi prochain, 5 courant, avant midi. Pour fêter le rétablissement de ton cousin et aussi la présence de Valentine au milieu de nous, nous avons dîné hier soir chez la grand mère, demain samedi, pour déjeuner chez nous, et dimanche chez l'oncle Abel. Que n'es-tu ici, cher ami, pour jouer de la fourchette, connaissant ton excellent appétit, je suis sûr que tu ne donnerais pas ta part au chat. Très probablement, ton cousin partira pour Dôle dimanche prochain 10 mai.
Adieu, cher Amédée, ta maman et tes sœurs se joignent à moi pour t'embrasser bien tendrement, ton père et meilleur ami,
Amédée Jeandet
P.S. Sois économe de ton argent et de tes provisions. As-tu remboursé las 50 centimes à B.... ? Jules Tixier est tombé au sort, par conséquent le voilà soldat. Sur 21 conscrits 15 sont tombés.
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Verdun le 23 octobre 1868.
Mon bien cher Amédée,
Je joins ces deux lignes à la lettre de ton oncle pour te dire que nous allons tous assez bien ; comme toujours, le travail ne nous manque pas, j'ai en ce moment deux commandes de mouches, une pour ??????? et l'autre pour Paris ; ajoute à cela le trousseau de tes sœurs dont, ta bonne mère s'occupe activement, car l'époque de leur départ approche. Très probablement, elles quitteront Verdun le mercredi 4 novembre pour aller coucher à Seurre, d'où elles partiront le jeudi matin avec Lucienne et ta tante pour Dijon. En attendant, cette triste séparation, tes sœurs emploient bien leur temps, je t'assure, devoirs, musique, couture, fabrication de mouches, tout marche à la vapeur ! Et toi, cher enfant, je pense que tu fais comme elles, tu as repris tes habitudes de collégien, tu ne t'ennuies plus, n'est ce pas et nous espérons bien que tu vas faire une bonne septième. Dans ton tout dernier billet, tu me dis rien de tes places ; à l'avenir tu voudras bien nous les faire connaître quel qu'elles soient. Tu parles de l'achat d'un livre que tu viens de faire avec ton argent, mais selon ton habitude , tu oublies d'en dire le nom. Mets-tu tes sabots ? Suis tu exactement les recommandations de ta maman à l'endroit de tes habits ? Et tes provisions, ménage les ; et aussi ton argent dont tu n'auras plus d'ici au jour de l'an. Lorsque ton tour viendra de faire les frais de la correspondance, écris nous , cher ami une vraie lettre où tu nous causera longuement de tes études, de tes camarades, du collège etc... une poignée de main à Abel ! Adieu, mon bien cher fils, nous t'embrassons tous bien tendrement, ton père et meilleur ami,
Amédée Jeandet
***
Verdun le 10 novembre 1868.
Mon bien cher Amédée,
Je fais trêve un moment à mes occupations pour causer avec toi. Ton billet, du 6 courant est mieux écrit et orthographié que ta lettre du 24 octobre dont je te parlerai tout à l'heure. Tu as retrouvé ton Atlas, j'en suis bien aise, quelque déchiré qu'il soit, j'espère que tu pourras encore t'en servir ; quant aux cours de dessins dont tu nous annonces l'ouverture, je désire, mon enfant, que tu t'y appliques. Sans être d'une utilité pratique bien grande, le dessin cependant mérite qu'on lui consacre une heure ou deux par jour, il peut, dans mainte occasions, être fort utile et toujours il est une ressource contre les moments d'ennui auxquels grands et petits nous sommes sujets. Dans ton prochain billet, n'oublie pas de nous faire connaître ta place en histoire te géographie ; qu'elle a donc été ta place en mathématiques, dont tu nous annonçais, dans ton avant dernière lettre , une bonne composition ? Le jour même où tu nous écrivais ton billet, mon cher Amédée, le vendredi6, tes sœurs partaient pour Labergement par un temps épouvantable. Ta cousine Esther était venue les chercher avec ????, ta pauvre maman malade , presque depuis ton départ, n'ayant pas pu les accompagner. Dimanche matin, elles sont parties de Seurre pour Dijon avec lucienne et l'oncle Parize, et ce matin Chartet nous apporte une lettre de Valentine qui nous dit que leur voyage a été aussi bon que possible en cette mauvaise saison. Avant de finir, mon Amédée, à ta lettre du 24 octobre sur laquelle je veux appeler ton attention. Et d'abord, à l'avenir lorsque ton tour viendra de faire les frais de la correspondance, prie tes camarades de ne te confier leurs lettres écrites sur une mince feuille de papier et toi même ne prends pas une feuille double ; tu peux sur une feuille simple, bien remplie des deux cotés d'une écriture serrée, nous dire, même longuement, tout ce qui t'intéresse. Maintenant pourquoi ces recommandations ? C'est que ta lettre excédant le poids réglementaire (10 grammes) m'a coûté 40 centimes, soit avec les 20 centimes mis par toi 60 centimes !... c'est à mon avis un prix de lettre un peu cher. Si encore l'écriture et surtout l'orthographe m'eussent satisfait, mais mon pauvre enfant, tu as entassé fautes sur fautes ; les mots que tu vois tous les jours imprimés, les titres des livres dont tu fais un usage quotidien, sont défigurés, tu leur donne une orthographe impossible, comme par exemple dans le mot Fénelon où tu trouves le moyen de faire figurer un P et deux L. Est-ce ainsi que tu mets à profit les leçons que moi et ta sœur Valentine nous t'avons données pendant les vacances ! Tu expliques tes mauvaises places en nous disant que les plus faibles de la 8° sont demeurés dans cette classe et que tu te trouves en 7° avec ceux qui étaient toujours devant toi en 8° ; Sans doute c'est là une bonne raison que tu fais valoir, mais ça en doit être une aussi et une bien sérieuse , pour travailler plus que jamais et cela avec plus de persévérance et d'application que tu ne l'as fait jusqu'à présent. Il fait froid et bien mauvais temps depuis quelques jours ; habille toi chaudement et ne quitte plus tes sabots, en cette saison c'est la chaussure de rigueur et qui préserve des rhumes. Pourquoi avoir payé le Fénelon avec ton argent ? C'est 75 centimes de moins à ton actif lequel sera bien juste, si le calcul que tu me donnes est exact. Dans ton prochain billet, dis nous si tu as besoin dès à présent de ton extrait de baptême ? Adieu mon bien cher fils, ta bonne mère et Fanny se joignent à moi pour t'embrasser tendrement, ton tout dévoué père et meilleur ami,
Amédée Jeandet
Une bonne poignée de main à Abel.
***
1869
Verdun le 10 février 1969.
Mon cher Amédée,
Bien que le temps me manque pour écrire, je ne veux pas laisser sans réponse le billet que renfermait la lettre de ton cousin. Décidément il n'y a rien à attendre ni à espérer de toi, je crains fort que cette légèreté sans pareille indiquée sur tous tes bulletins, ne soit qu'un note encore trop bienveillante de tes maîtres, et qu'à la place de légèreté, il eut été plus exact d'écrire le mot en grosses lettres : nullité complète ! Convient, tu réponds sur le champ à la petite lettre de ta mère, par conséquent tu as la mémoire fraîche de toutes les bonnes choses qu'elle renferme, et néanmoins, tu ne trouves rien à lui dire ! Elle t'y parle de Valentine et de Louise dont les progrès nous satisfont pleinement, de Fanny qui apporte son témoignage chaque dimanche, elle t'engage à les imiter ; enfin tu sais que j'ai écrit à M. le principal une longue lettre te concernant, M. le Principal t'en a informé et pour la vingtième fois , tu lui a promis me dit-il dans sa réponse, de bien travailler. Eh bien ! À toutes ces choses si importantes pour toi et pour nous, que réponds-tu, que nous dis-tu dans ton billet ? Absolument rien, des phrases décousues et insignifiantes comme celle-ci : « je prends deux sans les jeudis et les dimanches ; j'ai écrit à mon grand père sur une feuille de papier comme celle là ; l'on m'a pris 84 couvertures ! » voilà mon pauvre enfant tout ce que te fourni ton cerveau, dans lequel jusqu'à présent, deux idées ayant le sens commun n'ont pu se produire. À propos de ta place de 8° en orthographe, tu nous dis « je ne suis jamais heureux ! » C'est là encore une fort sotte réflexion ; il n'y a pas de bonheur, ni malheur à invoquer dans cette affaire, ce qu'il y a je vais te le dire en deux mots , retiens les biens : il y a paresse et ignorance,deux compagnons dangereux, deux ennemis dont il faut, mon cher enfant, te débarrasser à tout prix. Ainsi ne fais pas de cette lettre ce que tu as fait de celles qui l'ont précédées, de celle que ta maman vient d'écrire , des admonestations et bons conseils de M. le Principal, il faut y songer, y penser souvent, en un mot, il faut te souvenir de tes promesses et les tenir.
Adieu, mon cher fils, ta bonne mère et fanny se joignent à moi pour t'embrasser bien affectueusement.
Amédée Jeandet
P.S. Mon cher Abel je compte sur toi pour stimuler de temps en temps, la nonchalance de ton cousin. C'est la dernière année que vous allez passer ensemble, que tes fraternels conseils ne lui fasse donc pas défaut.
Ton oncle et ami dévoué
Amédée Jeandet
***
Verdun le 27 février 1869.
Mon bien cher Amédée,
J'aurais voulu te répondre plus tôt, mais pour moi vouloir et pouvoir sont deux choses d'une exécution si non impossible, au moins très difficile. Tu n'ignores pas qu'au dos de ta lettre s'en trouvait une de ton cousin, te concernant. Elle nous fait plaisir, parce qu'elle nous confirme l'heureux changement qui s'est opéré en toi au sujet de ta conduite et de ton travail, seulement Abel ne me dissimule pas ta faiblesse extrême en orthographe et en latin, ce qui me fournit de nouveau l'occasion de t'exhorter à travailler avec plus d'application et à prendre pour modèle ceux de tes condisciples qui sont les premiers de ta classe.
Un mois nous sépare encore des vacances de Pâques, si tu tiens à venir passer quelques jours près de nous, mets le à profit ce mois, mon enfant, car bien qu'à ton âge l'avenir s'ouvre devant toi, n'oublie jamais ceci : c'est que le temps est une chose précieuse qu'on se repend tôt ou tard d'avoir gaspillé. Passons maintenant aux menus détails de ta toilette : nous voulions t'acheter un képi neuf, seulement quelques jours avant Pâques , il est donc fâcheux que le tien soit hors de service, et il ne le serait pas si tu avais été plus soigneux. Je regrette que tu aies manqué deux promenades ; comment n'as-tu pas pensé à emprunter une coiffure à un camarade ! Prends patience ; nous allons aviser, et je donne à ce sujet des instructions à ton cousin. Quand à tes sabots, tu les a quitté trop tôt, s'il ne fait pas froid, le temps est très humide, nous avons des variations assez brusques dans la température et l'on s'enrhume bien plus facilement que par un froid vif et sec ;il faut donc user de la paire neuve de sabots qui te reste et prier la lingère de te raccommoder incontinent les chaussons les moins mauvais.
Adieu, mon cher Amédée, porte toi bien, ta bonne mère et Fanny se joignent à moi pour t'embrasser bien affectueusement
Ton père et meilleur ami,
Amédée Jeandet
P.S. Tes grandes sœurs t'embrassent bien, toi et ton cousin : nous avons reçu ces jours-ci leurs bulletins, celui de Valentine est bon, celui de Louise ne vaut pas, bien que son travail soit soutenu.
Ta petite lettre, mon cher Abel,nous a fait bien plaisir à ta tante et à moi. Ce que tu nous dis d 'Amédée nous console un peu et nous espérons !... Continue à t'occuper de ton jeune cousin, quand tu en auras le temps, interroge le, afin de t'assurer par toi même s'il y a progrès oui ou non. Amédée est ton cousin germain, même nom, même sang ou à peu près ; c'est presque pour toi un frère dont tu deviens le mentor étant son aîné de six ans. Plus tard cette différence dans vos âges s'effacera, désormais, du moins je l'espère , il y aura entre vous communauté d'idées et de sentiments, alors vous serez véritablement frères et amis !...
En attendant cette époque heureusement encore éloignée, de nous , car quand vous en serez là ton père et moi où en serons nous de notre rouleau ?... Mais brisons là, mon cher neveu, pourquoi attrister ta jeunesse, laissons l'avenir, et pour le quart d'heure, occupons nous de couvrir le chef d'Amédée, pour ce faire, je te charge de conduire ton cousin chez M. Berger pour y prendre mesure d'un képi qui tu recommanderas de bien conditionner et surtout assez grand pour qu'il tienne solidement sur sa tête. Tu diras à M. berger que tu le paieras après Pâques, à ton retour au collège. Si du képi nous passions au ceinturon, où en es-tu de tes recherches ? Questionne donc une bonne fois Bonnin à ce sujet. Au revoir et à bientôt mon cher ami, ton oncle bien dévoué,
Amédée Jeandet
***
Verdun le 20 avril 1869.
Cher Amédée,
Je viens remplacer papa car comme toujours il a beaucoup d'ouvrage, et ne peut pas trouver un petit moment pour t'écrire quelques lignes.
Il a été content de ta dernière lettre, c'était plus propre et mieux écrit, mais il aurait voulu que tu parles de tes places, car tu dois avoir composé deux fois, c'est que tu l'auras oublié, tu les diras dans ta prochaine lettre. Cher Amédée, travaille bien pendant ces quatre derniers mois, pour avoir au moins quelque chose à la fin de l'année, tu sais combien ça fait plaisir à papa et à maman, si tu voulais travailler, tu pourrais au moins être dans les premiers de ta classe ou bien tenir le milieu, mais je crois que tu ne fais pas assez d'effort. J'ai vu tes premiers bulletins, ils n'étaient pas bons, tu étais dissipé à l'étude, et bien comment veux-tu bien apprendre tes leçons si tu te dissipe pendant l'étude ; mais j'ai vu celui que tu as apporté pour Pâques, il était meilleur ; allons prends la ferme résolution de bien travailler et avec un peu de bonne volonté, tu parviendras à revenir un bon élève ; assez de morale comme cela, n'est ce pas et causons d'autre chose. Louise et moi nous aurions bien voulu nos vacances en même temps que toi, mais puisque c'est comme cela, il faut bien se résigner et tout ce que nous pourrions dire ne changerait pas les choses. Nous partons samedi, nous voilà aussi avancées que toi, les voilà passées ces vacances que nous attendions avec tant d'impatience . Cher frère nous te remercions de ta petite lettre que tu nous a écrite , nous t'en sommes bien reconnaissantes parce que pendant ce précieux temps que tu as employé à la faire tu l'as perdu pour ta pêche. Adieu cher Amédée, je t'embrasse bien, toute la famille se joint à moi. Je ne peut pas t'en écrire plus long, le papier me manque mais tu te contenteras de mon petit gribouillage. Nous embrassons bien Abel, et nous aurions été bien heureuses de le voir.
***
Verdun le 9 mai 1869.
Mon bien cher Amédée,
Mes occupations trop multipliées ne me laissent pas un moment disponible et voilà pourquoi je ne t'ai pas écrit depuis ta rentrée au collège. Du reste la brièveté de tes lettres ne permet pas d'entretenir avec toi une correspondance active. Tu es trop sobre de détails et bien que trop d'abondance dans le style soit un défaut, je préférerais t'y voir tomber, au lieu de ce cadre restreint dont tu ne peut te départir, malgré nos observations à ce sujet.
Vous n'avez donc pas encore composé en arithmétique que ru ne nous dit rien de ta place ? Celles de 6° en récitation et 7° en thème, sont mauvaises, si tu continues ainsi pour les autres compositions , nous ne pouvons compter sur la plus petite nomination. Tu as encore trois longs mois devant toi pour travailler ; mets les à profit, je t'en conjure, mon cher enfant ; le temps est précieux, je te l'ai déjà dit et je te le répète ; à la rentrée il te faudra commencer ta 6° et, dans cette classe comme dans les deux premières, nous aurons le chagrin de te voir encore occuper le dernier rang. J'ai mis dans le livre de messe de Fanny, l'image que M. l'abbé t'a donné et nous espérons bien que tu en mériteras encore d'ici ta première communion. Tu ne nous as pourtant pas annoncé d'une manière positive si tu la ferais oui ou non cette première communion ! Ne manque donc pas dans ton prochain billet de nous renseigner complètement à cet égard. Un mot encore avant de terminer, sur la gymnastique dont tu me parles avec une certaine complaisance : dans la société antique, qui valait bien la notre, le gymnase était à coté de l'école, de sorte qu'après la nourriture de l'esprit, venait celle du corps ; aussi les grecs et les romains excellaient-ils dans les exercices du corps. De nos jours on les a par trop délaissés et en y revenant aujourd'hui, l'on me paraît bien faire. Tu vois, cher Amédée, où j'en veux venir et la conclusion la voici : tu iras trouver M. le Principal, en compagnie de on cousin si tu préfères, vous lui direz que je désire que tu commences dès à présent les leçons de gymnastique et que pour ce faire l'on te fournira un costume ad hoc et autres accessoires s'il y a lieu, lesquels seront postés sur mon compte. Rien de nouveau à t 'apprendre, nous allons tous passablement, les parents du grand chemin et nous même ; Cependant ta pauvre maman est toujours comme tu l'as vu pendant que tu étais près de nous, elle est même plus souffrante depuis quelques jours et, malheureusement, pour elle et aussi pour moi qui souffre de la voir souffrir , cet état se prolongera encore longtemps. Adieu, mon cher fils, bon courage, souviens toi toujours de ce proverbe latin, que j'ai pris pour devise depuis que je suis homme, et que mon digne et vénérable père me rappelait souvent dans ses lettres : Labor improbus omnia vincit.
Ta bonne mère et Fanny se joignent à moi pour t'embrasser bien affectueusement.
Ton père et meilleur ami,
Amédée Jeandet
Une bonne poignée de main à mon cher neveu.
***
Verdun le 4 juin 1869.
Mon cher Amédée,
Je viens de recevoir une lettre de M. le Principal m'annonçant que la première communion aura lieu très probablement le 2° dimanche de juillet. m. l'Aumônier, me dit-il, est disposé à t'admettre, seulement il faut que ta conduite soit irréprochable, non pas seulement au catéchisme, mais encore en classe. Aussi tient le toi pour dit, il dépend de toi de faire oui ou non ta 1° communion, et comme nous tenons beaucoup à ce que tu la fasses, si par ta mauvaise conduite tu venais à être ajourné, je saurais en temps et lieu te punir sévèrement.
Monsieur le principal est médiocrement satisfait de ton travail ; tu continues comme par le passé, à remplir tes devoirs d'écolier d'une façon désespérante, les progrès sont insignifiants, et tes maîtres sont unanimes à te désigner comme un paresseux de premier ordre. Ce n'est pas tout encore, il ne suffit pas d'être un ignorant, tu veux y joindre un mauvais caractère, tu te permets d'être grossier, insolent, vis à vis de ton maître d'étude, de ton professeur , de M. le Principal lui même ? Est-ce possible, tu veux donc nous désespérer ta mère et moi !... à quoi bon les conseils, les exhortations de toutes sortes qu'on ne cesse de t'adresser depuis ton bas âge ? D'où peut te venir cette nature turbulente, indisciplinée, ce penchant funeste à la paresse, alors que dans la maison paternelle tu n'as eu que de bons exemples à suivre et par dessus tout, celui du travail opiniâtre de ton père et de ta mère ?...Est-il besoin de te dire, combien cette lettre de M. le Principal nous a fait de peine, à ta pauvre mère et à moi. C'était déjà bien assez pour nous d'avoir à nous affliger de ta nonchalance au travail et partant de l'argent que nous dépensons pour toi en pure perte. Désormais, je ne croirais plus à tes protestations, à tes promesses de devenir raisonnable ; bien plus jusqu'à présent j'ai cru à ta sensibilité, à ton bon cœur, à ton affection profonde pour nous, eh bien ! Aujourd'hui je n'ose plus y croire, car si tu avais du cœur, situ nous aimais véritablement, tu suivrais une toute autre voie et tu t'efforcerais par ta bonne conduite et au travail soutenu, de nous témoigner ta reconnaissance pour tous les sacrifices que nous faisons pour toi.
Malheureusement, il n'en est pas ainsi, mon pauvre Amédée, depuis bientôt deux ans que tu es au collège, tu te montres sourd à tous les avertissements, à tous les sages conseils que te donnaient et tes parents et tes maîtres ; soit légèreté, soit indifférence de ta part, tu parais ne pas comprendre ce que nous voulons de toi et ce que nous en attendons. Il faut donc, mon cher enfant, que tu changes de manière d'être et cela dès à présent, il faut que M. le Principal, dans la prochaine lettre qu'il doit m'écrire, me donne sur ton travail, ton caractère et ta conduite, les meilleurs renseignements, si non nous sommes bien résolus ta mère et moi à te priver de vacances , nous te laisserons à Dôle, loin de nous, de tes sœurs, que nous allons revoir et embrasser avec bonheur, parce que ces chères enfants font notre joie. Je termine là cette longue lettre que je ne saurais trop te recommander de lire avec plus d'attention et de (fruit?) que tu n'as fait des autres.
Adieu , mon cher Amédée, ta bonne mère et Fanny se joignent à moi pour t'embrasser bien tendrement,
Amédée Jeandet
P.S. Je t'embrasse bien mon cher Abel, et te prie de faire comprendre à ton cousin toute la portée de ma lettre.
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Dijon le 4 juillet 1869.
Cher Amédée,
J'ai appris par papa qui nous a écrit dimanche dernier, que tu faisais ta première communion aujourd'hui. Je pense, cher frère, que tu as fait des efforts pour bien te prépare à ce beau jour ; penses que tu reçois notre seigneur J. Christ, qu'il lui faut un cœur bien pur, pour qu'il y reste longtemps. Dès ce beau jour, prends la ferme résolution à bien travailler à l'avenir, tu sais combien ça ferait plaisir à papa et à maman que tu aies quelque chose à la fin de l'année. Je crois, que jusqu'à présent tu n'as encore rien, papa nous dit dans ses lettres que tu ne travailles pas bien, que ça lui fait de la peine de voir que tu ne tiens pas plus que ça à lui faire plaisir.
Tu sais que maman a promis de te mener à Dijon pour le concours si tu avais une nomination, je compte bien que tu en auras une et que tu viendras nous chercher. Allons cher frère prends courage, mets toi dès demain au travail avec ardeur et tu verras que tu t'en trouvera bien. Quant à moi je vais bien apprendre mes examens, pour avoir des prix, car je ne voudrais pas m'en aller les mains vides, et je sais combien mes chers parents seraient peinés.
C'était jeudi dernier, jour de sortie, ma tante Parize est venue, elle nous a dit que ma grand mère irait probablement à Dôle pour ta 1° communion, aussi je te charge de bien l'embrasser pour Louise et pour moi.
Adieu, cher Amédée, je t'embrasse bien, louise se joint à moi.
Ta sœur qui te chérit
Valentine
Je te charge d'embrasser pour moi Abel
Cher Amédée,
Je ne voudrais pas laisser passer le plus beau jour de ta vie sans venir t'écrire quelques lignes pour prendre part à ton bonheur.
Certainement, je serais bien heureuse d'être près de toi mais cela se peut-il ? (????) , mon cher petit, je suis loin de toi il est vrai, mais je te suis dans toutes les grandes choses que tu vas faire aujourd'hui. Il y a quatre ans, moi aussi, j'étais bien heureuse, ah ! Que je voudrais que ce jour fut aussi près qu'il est loin, mais hélas ! Il a passé comme tous les autres.
En ma qualité d'aînée, je vais te donner un conseil que tu devrais suivre plus que je ne le fais ; c'est de bien travailler. Allons prends cette bonne résolution aujourd'hui et mets la à exécution. Réfléchis combien tes bons parents seront heureux si tes maîtres disent : « nous sommes contents d'Amédée »
Je te quitte, mon cher petit, à bientôt n'est ce pas, reçois les baisers de ta cousine qui t'aime beaucoup
Lucienne
Dijon le 4 juillet 1869
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Verdun le 22 juillet 1869.
Nous venons encore de recevoir une lettre de M. le principal portant des plaintes très graves contre toi, ton père en a tant de chagrin, que c'est fini il ne veut plus s'occuper de toi. Toute la morale qu'il t'a faite n'a servi à rien, puisqu'il paraît que tes maîtres ne peuvent plus jouir de toi et que tu deviens pour la classe un sujet de désordre et de mauvais exemple ; si c'est parce que les vacances approchent, que tu es aussi paresseux et dissipé, je t'assure que tu as bien tort de t'en réjouir, parce que elles vont passer bien rudement pour toi, tu comprends qu'il faut être récompensé selon ses mérites, toute l'année tu nous a causé du chagrin par ta paresse et ta mauvaise tête , tu as perdu l'argent que nous t'avions donné pour payer ta pension, puisque tu n'as absolument rien appris, il faudra donc qu'au lieu de t'amuser, ainsi que tu le penses, travailler constamment. Tu n'auras pas un instant de liberté, ni pour pécher ni pour courir, pas une caresse ni de ton père ni de moi, nous allons nous occuper de te chercher un maître sévère qu'il faudra bien que tu obéisses.
Vois malheureux enfant où tous tes vilains penchants t'ont mené,au lieu d'arriver chez tes parents le cœur content, fier d'avoir bien travaillé, pour leur donner quelques satisfactions. Ca n'était cependant pas bien difficile de suivre les bons conseils que ton père te donnait, travailler avec attention, et surtout ne pas avoir une mauvaise tête comme tu l'as, et être poli avec tes maîtres.
Toute la famille est informée de ta mauvaise conduite et me charge de t'adresser des reproches. Je termine sans t'embrasser car tu ne le mérites pas
Fanny Jeandet
Je te préviens que c'est la fête de ta grand mère, dimanche prochain, car je suis bien sûre que tu n'y penserai pas, tu ne tiens à faire plaisir à personne et je doute aussi que ça lui fasse plaisir après ta conduite , tu comprendras qu'elle est mécontente de toi. Tu as bien mis à profit la morale qu'elle t'a faite pour ta première communion, et cette action par elle même ne devait elle pas te rendre plus sage, mais non j'ai peur qu'il n'y aient que des mauvais instincts en toi, et que tu sois le chagrin de toute notre vie, tandis que tes sœurs s'appliquent à nous donner de la satisfaction.
Ci joint un timbre poste pour affranchir ta lettre à ta grand mère. C'est ton grand père qui va être satisfait quand il va apprendre ta conduite, aussi n'iras tu pas à Labergement pour te punir.
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1870
La lettre qui suit est écrite par Fanny Jeandet, épouse de Pierre Amédée Jeandet, pharmacien, à sa fille Louise. Celle ci est en pension, elle est âgée de 15 ans. Vous ne trouverez nulle part dans les archives de l'état civil une Fanny Ducordeau ayant épousé Amédée Jeandet, alors pourquoi Françoise se fait elle appeler Fanny ? Dans cette lettre elle parle d'une de ses filles « Fanny », mais là encore impossible de trouver une Fanny née de l'union de Françoise Ducordeau et de Pierre Amédée Jeandet, dans les archives de l'état civil de Saône et Loire pourquoi je n'en sais encore rien. Mais les dates retrouvées dans les lettres font penser avec certitude qu'il s'agit de Marie Françoise.
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Verdun le 20 janvier 1870.
Ma chère fille,
Je comptais t'écrire plutôt, chère enfant, pour te dire combien ta lettre nous a fait plaisir, mais j'ai eu des ennuis qui m'en ont empêchée. A la suite d'un jeudi très pénible, ton père a été malade et il a eu un accès de fièvre pendant 24 heures, accompagné d'un violent mal de tête, j'avais bien peur qu'il ne soit malade pour tout de bon, mais fort heureusement ça n'a pas eu de suite et il a pu reprendre ses occupations ordinaires, c'est à dire travailler du matin au soir. Valentine a eu hier un violent mal de tête qui l'a obligée à se coucher ; il n'est pas jusqu'à Mlle Jannie qui s'en soit mêlée, elle a trouvé à propos d'avoir sa migraine pendant que ton père et ta sœur étaient malades, de sorte que je me suis retrouvée seule debout, et encore si j'avais été bien portante j'aurais pris mes maux en patience ; mais c'est ma névralgie à la tête qui ne me quitte pas , et les maux de dents continuent. Comme tu vois chère amie notre maison ressemble à un hôpital. Toute fois ne te tourmente pas chère enfant, comme je te l'ai dit ton père va mieux, pour le moment Valentine est aussi réparée et moi je trouve du soulagement à tous mes maux et ennuis en causant avec ma gentille et grande Louisette. Nous avons été bien contents de ta lettre et des deux bulletins de semaine qu'elle contenait. Continue ma chère amie à t'appliquer à ton travail, et tu verras que tu arriveras tout comme tes compagnes à obtenir de bonnes places. Ton père me charge de te dire pour lui plus particulièrement qu'il est très content de toi, et qu'il voudrait que nous soyons aux vacances pour te le dire lui même et t'embrasser de tout son cœur, car il est privé de tout lui mes chers enfants , il ne peut vous voir que quand vous venez chez nous , puisqu'il est prisonnier ; aussi ma chérie pour l'indemniser de toutes ces peines continue dans tes bonnes intentions de bien travailler ; seulement je t'engage à ne pas te mettre en colère , quand même tu croirais avoir raison, sois bien soumise avec toutes les maîtresses et tu verras qu'elles sont bonnes pour toi. Nous attendons Abel pour carnaval, et nous avons l'intention de faire pique nique, nous voudrions bien ma chérie que tu puisses venir aussi passer quelques jours, mais il n'y faut pas penser. Je pense que vous aurez quelques distractions pour vos jours gras, tu nous raconteras cela dans ta prochaine lettre. Si le bonnet de la petite Claire était fini quand Abel viendra, profites en pour me l'envoyer, la chère enfant en a bien besoin, d'autant plus que je ne réussi guère bien à la coiffer. Je viens de lui en faire deux et ils sont trop courts , j'ai toujours réussi comme cela depuis qu'elle est au monde. Il y a plus de trois semaines que je ne l'aie vue, mais je sais qu'elle se porte bien. Ton frère va bien également, il est toujours paresseux, si tu le peux écris lui pour lui faire la morale. Adieu ma chérie, nous nous réunissons tous pour t'embrasser de cœur comme nous t'aimons.
Ta mère Fanny Jeandet
Ta tante Adrien me charge de t'embrasser de tout son cœur, elle voudrait bien te voir. La grand mère se porte bien, ton oncle Abel est presque toujours souffrant, le mal de gorge ne le quitte pas, ta tante engraisse tout doucement.
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Verdun le 15 mars 1870
Ma chère fille,
Je suis pourtant toujours en retard avec toi pauvre enfant, et cependant je t'assure qu'il n'y a rien de ma faute, ce sont mes occupations nombreuses qui chaque jour y mettent obstacle. Nous avons beaucoup d'ouvrage comme nous en avons tous les ans au printemps, Valentine nous est d'un grand secours, mais nous te voudrions aussi toi ma grande pour faire marcher encore plus vite. J'ai barbouillé d'une manière horrible notre besogne, mais il n'y a plus que patience, et alors je serai la plus heureuse des mères , accompagnée et secondée de mes deux filles ; ce qui me crève le cœur c'est qu'il faudra toujours qu'il y en ait une loin de nous puisque , il faudra que Fanny reprenne ta place. Mais cela est utile, il faut donc se résigner. Ta gentille petite lettre m'a été bien agréable d'autant plus que je ne pensais pas que c'était ma fête, et tout le monde chez nous était dans la même ignorance ; ton père ne m'a pas remit ta lettre de suite, il l'a gardée pour le soir, et ça a été mon bouquet de fête car Valentine n'a pas pu se procurer de fleurs. Pour te remercier de ton bon souvenir, je t'embrasse sur les deux joues de tout mon cœur. Ta petite lettre , chère amie, m'était toute spéciale ; j'ai regretté qu'il n'y ait pas un souvenir pour ton bon père, il m'en a fait la remarque. Dans ton avant dernière lettre tu nous dit que tu souffres des dents, et que tu as acheté quelque chose pour les calmer, tu as donc oublié que ton père t'avait donné un petit flacon contenant ce qu'il fallait pour te soulager dans le cas ou tu serais atteinte de mal de dents. Ne manque pas ma chérie , quand tu m'écriras, de me dire si tu es guérie, ce que je souhaite de tout mon cœur. Je t'envoie 4 timbres poste pour attendre les vacances, tu trouveras aussi une étiquette portant notre adresse, elle te servira à nous envoyer le bonnet de ta petite sœur ; tu feras un petit paquet ou tu mettras l'adresse, et en plus l'étiquette, tu affranchiras et tu l'enverras par la poste. Je serai bien aise d'avoir ce petit bonnet, parce que je te l'ai déjà dit, elle n'en a pas beaucoup à mettre. Elle devient de plus en plus méchante notre petite Claire, nous sommes allés la voir, nous deux Valentine, il y a quelques jours, elle n'a fait qu'un cri tout pendant que nous avons été là, nous avons été obligé de partir pour la faire taire. La grand mère est allée voir Amédée jeudi passé, elle l'a trouvé bien portant, et avec un appétit charmant. Pour quant à son travail, c'est toujours à peu près. Tu désirerais, chère amie, être sur le tableau d'honneur, tu as de la besogne car il faut bien travailler.
Adieu ma chère enfant, ton excellent père et tes sœurs se joignent à moi pour t'embrasser de tout cœur ; ta mère qui t'aime bien tendrement
Fanny Jeandet
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Verdun le 1° avril 1870
Ma chère Louise,
Je profite de ta tante qui va voir son fils pour t'écrire quelques mots, quoique je ne sois guère entrain je t'assure ; J'ai eu aujourd'hui une douleur de tête affreuse, je vais mieux maintenant, mais j'ai la t^te comme les idées , bien endolories. Ton papa a été aussi un peu souffrant et puis Valentine est aussi indisposée ; Depuis une quinzaine de jours il lui est survenue un gonflement aux paupières qui la contrarie beaucoup. Elle a avec cela, les battements du cœur un peu précipités, c'est peu être ce qui a déterminé cette enflure. Ta sœur n'est pas malade car elle a conservé son même appétit, ses nuits sont excellentes , mais ça m'ennuie bien de la voir comme cela, je trouve cependant que ça tend un peu à diminuer. Espérons que pour Pâques cette petite indisposition aura disparue et que nous pourrons jouir librement de ta présence tant désirée. Ton bon père a été bien sensible à ton bon souvenir, tu lui a envoyé une charmante petite lettre pour le jour de sa fête qui se trouve le 30 mars, ton frère a fait comme toi ; j'ai bien regretté chère amie que tu es oublié cette date car tu sais ces petites choses la font plaisir aux parents. Nous avons reçu le bonnet de Claire, de la manière dont tu nous l'as expédié, cacheté comme une lettre, le timbre que tu avais mis a été insuffisant il a fallu donner 40 cts à la poste, cela fait 60 cent de port, c'est un peu cher. J'ai cru que ces dames étaient au courant de ces sortes d'envoi, et qu'elle auraient la complaisance de te guider, sans cela je t'aurais donner plus de renseignements. Je te quitte ma chère amie car je suis fatiguée, nous nous réunissons tous pour t'embrasser de tout cœur,
ta mère qui t'aime bien tendrement.
Fanny Jeandet
Fanny et Claire se portent bien, j'ai essayé le bonnet à ta petite sœur, il lui est juste , je fais ajouter une dentelle tout autour, ça le grandira. Il est bien joli, tu apporteras l'autre pour pâques.
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Verdun le 8 avril 1870.
Ma chère Louise,
Dans ta lettre que la tante Abel m'a apportée, tu me parles de plusieurs choses, mais tu ne t'explique sur rien. Je veux parler du costume. Tu me dis que les robes noires devront être toutes semblables. Comment vais-je m'organiser pour avoir vos robes pareilles, il faut qu'elles soient prises dans la même pièce , achetée à Dijon, c'est peut être ces dames qui ont l'intention de fournir et faire confectionner. Si cela est ainsi, je ne te cache pas que ça me contrarie un peu parce que ça sera plus coûteux, et que j'ai déjà retenu une robe pour toi chez mon marchand et puis plus de vêtement de soie, vous aurez probablement le costume pareil maintenant pour les chapeaux, celui de tous les jours sera fait comme nous voudrons, c'est très bien mais il y a les blancs : d'habitude je vous les envoyais pour qu'on les blanchisse et les remettre à la forme, tu ne m'as pas encore demandé le tien, et je d&sire qu'il te serve encore cette année. Je viens également d'envoyer au blanchisseur, celui de Fanny et de Valentine, mes moyens ne me permettent pas de toujours acheter ; il n'y a pas seulement les toilettes, c'est 15 cent francs de pension et puis toutes les autres dépenses, entretien de nos personnes, du ménage, comme tu vois cher enfant, il faut bien du travail pour suffire à tout cela. Il te faut aussi une ombrelle , quelle sera la couleur adaptée ?
Voilà chère enfant toutes les questions auxquelles je désire que tu répondes de suite. Je suis bien contente qu'une dame ait la complaisance de te ramener jusqu'à Beaune. Ça m'évitera de la fatigue, tu remercieras ces dames des démarches qu'elles ont eu la complaisance de faire à ce sujet. Je ne te réécrirai probablement pas, aussi je vais te faire mes recommandations : il faudra me rapporter tous les effets d'hiver, robes, jupes, bas de laine, chapeaux, manchon. Tu logeras le tout dans une malle . J'oubliais de te demander par quel train tu arriveras à Beaune, afin que j'aille à la gare ; il n'y a que dans le cas où tu arriverais avant moi, c'est à dire avant dix heures, alors tu prieras cette dame d'avoir la complaisance de te conduire faubourg Magdeleine chez Monsieur Sirot. Si tu ne sais plus où il demeure, tu demanderas. Adieu ma chère enfant, nous nous réjouissons tous de te voir . Ta mère qui t'aime.
Fanny Jeandet
Tu n'avais pas seulement ouvert la tablette de chocolat, cependant tu aurais bien du te douter qu'il y avait une lettre, tu es toujours étourdie. Nous avons vu ton frère hier à Chalon, je l'ai grondé de ne pas t'avoir répondu, il dit avoir perdu l'adresse. Le principal est mécontent de lui, il est question de le priver de vacances, tout le temps que j'ai été avec lui je l'ai grondé, il a bien pleuré ; le pauvre enfant me faisait pitié car je l'ai trouvé maigre.
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Verdun le 19 juillet 1870.
Mon cher Amédée,
Il y a trois semaines jeudi que ta mère est allée te voir, et depuis, nous n'avons pas reçu de nouvelles de toi !... décidément, mon pauvre enfant, tu es incorrigible et les recommandations ne te servent à rien. D'après nos conventions tu devais nous écrire deux fois par mois, et dans chaque lettre nous tenir au courant de ton travail, nous faire connaître tes places, en un mot causer longuement avec nous de toutes choses pouvant nous intéresser : eh bien ! Mon cher Amédée, loin de te conformer à ces instructions, tu restes trois semaines sans nous donner signe de vie, si bien que ta maman et moi nous finissons par être inquiet ; nous craignons que tu ne sois souffrant, malade même ! Que fais tu, que deviens tu par ces chaleurs tropicales ? Les supportes tu passablement et ton travail de chaque jour n'en souffre t-il pas un peu ? Où en êtes vous de vos compositions et as tu fait en sorte de les toutes faire : mieux vaut une composition médiocre que de s'abstenir. Dans ta réponse que tu écriras jeudi 21 courant et que tu mettras de suite à la poste, tu voudras bien répondre à toutes ces questions. L'heure de départ du courrier approchant, je ne t'en écrirai pas plus long aujourd'hui, seulement avant de terminer je te rappellerai que c'est la Sainte Anne, fête de ta grand mère, mardi prochain 26 ; tu lui écriras une petite lettre pour lui souhaiter sa fête, lettre que tu soigneras de ton mieux et lundi tu la feras mettre à la poste. Voici l'adresse de ta grand mère :
Madame veuve Jeandet Chapuis
à Verdun sur le Doubs.
Adieu revoir et à bientôt, mon cher enfant, ne manque pas de nous écrire jeudi, ta maman et tes sœurs se joignent à moi pour t'embrasser bien tendrement,
ton tout dévoué père,
Amédée Jeandet
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Verdun le 22 juillet 1870.
Mon cher fils,
Ta lettre nous est arrivée ce matin ; contre ton habitude, ce que je constate avec plaisir, tu t'étends plus longuement sur les choses qui nous intéressent, et tu commences à t'exprimer avec plus de clarté ! Seulement, la lecture en a été difficile, ton écriture demeure toujours fort incorrecte. Tu ne peux pas me donner tes places, me dis-tu, parce que depuis que les compositions des prix sont commencées, on ne les fait plus connaître ; eh bien ! Mon pauvre enfant, j'en sais assez, trop, même sur le chapitre, ce matin , le facteur en me remettant ta lettre, me remettait aussi ton bulletin de ce dernier trimestre, et comme toujours, ta maman et moi nous avons été bien peinés en voyant que ton travail était à peu de chose près, aussi mauvais que dans les premiers bulletins.
A quoi servent donc les encouragements et les exhortations qui te viennent, de nous, de tes professeurs ?... et les promesses que tu nous fais chaque fois que tu viens à la maison, tu ne t'en souviens donc plus une fois parti ? Malgré nos avis souvent répétés au sujet de l'histoire, du calcul et de ton orthographe, tu n'as pas travaillé sérieusement ces diverses parties, témoin tes places :
histoire géographie 11°-11°
orthographe 10°- 12°
calcul 8° - 0
Quand à celles en thèmes et versions et écriture, je ne t'en dirai rien, elles sont encore plus mauvaises !...
Ainsi le 9 août, jour de la distribution des prix, tu assisteras au triomphe de tes camarades ; tu verras leurs parents, leurs amis, les couronner, les serre dans leur bras, et toi seul isolé tu reviendras tristement dans la maison de ton père, lequel t'embrassera avec bonheur, sans doute, mais aurait été cent fois plus heureux si son fils eut pu lui apporter une couronne...
Enfin la raison te viendra, n'est ce pas, et l'an prochain en sixième, tu travailleras pour tout de bon, il n'y aura plus moyen de reculer.
Je t'envoie par Carreau, une boite, anis vermifuges dont tu mangeras environ 2 cuillères à café tous les 2 ou 3 matins, plus trente sous, pour te permettre de continuer tes bains que tu parais aimer beaucoup. Soigne bien ton écriture pour la lettre de ta grand mère, lettre, je te le répète, que tu remettras à la poste que lundi, 25 courant. Adieu et mieux à bientôt, cher enfant, ta mère et tes sœurs se joignent à moi pour t'embrasser , ton père et meilleur ami
Amédée Jeandet
Vendredi 29 juillet 1870.
Mon cher Amédée,
Je réponds au billet inclus dans ta lettre à ta grand mère , laquelle a trait à la souscription projetée en faveur des blessés de notre pauvre armée ; je ne m'oppose pas à ce que tu donnes ton offrande, comme tes camarades, seulement, mes charges sont lourdes, tu le sais, l'année sera difficile, pour ne pas dire plus, et partant nous donnerons le moins et non le plus . En conséquence si vous donnez suite à ce prohet, prie donc M. le Principal de verser pour toi 5 francs qu'il portera à mon compte. Malgré ma recommandation de t'appliquer à écrire et à composer comme il faut ta lettre à ta grand mère, tu n'en a rien fait, et comme toujours ton style et ton orthographe et ton écriture, sont d'une médiocrité rare. Tu voudras bien nous écrire une fois avant la distribution des prix, cela jeudi prochain 4 août . Si tu as quelque chose de particulier à nous dire ou a nous demander, n'oublie pas de le faire.
A bientôt, mon cher Amédée, ta bonne mère et tes sœurs se joignent à moi pour t'embrasser ; Ton père dévoué,
Amédée Jeandet
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Lundi le 25 juillet 1870.
Chère grand mère,
Je ne voudrais pas laisser passer ce beau jour sans t'écrire une petite lettre pour te souhaiter ta fête. Je voudrais bien être à Verdun pour mieux te la souhaiter en te donnant un bouquet et te la souhaiter en parole et comme je ne suis pas à Verdun, je te la souhaiterai toujours par une petite lettre et je crois que tu t'en contenteras et pour te montrer que je pense à toi et je viens te demander des nouvelles si tu te portes bien et te demander des nouvelles de tout le monde de mon oncle te ma tante Abel et quand mon cousin va venir en vacances si il vient avant moi.
Aussi chère grand mère je souhaite une bonne fête une parfaite santé.
Adieu chère grand mère ton petit fils qui t'aime de tout son cœur.
A. Jeandet
Date de dernière mise à jour : 17/11/2015
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